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| | Sagesse et Pouvoir | |
| | Auteur | Message |
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raphaël
Messages : 1563 Date d'inscription : 03/04/2008
| Sujet: Sagesse et Pouvoir Ven 1 Nov - 16:24 | |
| Sagesse et pouvoir
Fools Crow
Selon lui, les miracles sont la norme de la vie dans le monde et wakan tanka les ayant promis, le vrai miracle seraient qu'ils ne se soient pas produits
le pouvoir et ses usages dit fools crow nous sont donnés pour que nous les transmettions à d'autres penser ou agir autrement est pur égoisme nous ne les gardons et n'en obtenons d'avantage qu'en les donnant et si nous ne les donnons pas, nous les perdons
Fools Crow pensait que chaque individu reçoit des dons spéciaux à utiliser au cours de sa vie. Mais à tout moment, si l'homme-médecine le sent ou si Wakan Tanka le veut, il peut cesser son activité thérapeutique et transmettre l`un de ces dons, ou tous, ainsi que les chants qui les accom- pagnent, à une ou plusieurs personnes qu'il estime dignes de les recevoir. C'est par sa conduite dans la vie, sa dévotion à Wakan Tanka et sa vocation que l`on juge si une personne est « digne ›> de cette transmission. Une condition supplémentaire s'y ajoute : ces dons ne doivent être employés que pour le bien d'autrui. Un observateur attentif trouvera de nombreuses ressem- blances entre ce que me dit Fools Crow et les pratiques d'autres peuples amérindiens. Dans la plupart des cas, il n'avait pas constaté personnellement l'existence de ces ressemblances, ses contacts avec les hommes-médecine en dehors des Grandes Plaines étant très limités. Des visiteurs, comme moi-même, l'avaient renseigné sur d'autres peuples indiens et il apprenait avec facilité. Quand je lui demandai pourquoi de telles similitudes exis- taient entre différents peuples indiens, il répondit avec fermeté : « Le même Dieu nous enseigne à tous, il faut donc s'attendre à trouver partout les mêmes enseignements et les mêmes pra- tiques 1. S'il y a des différences, elles sont déterminées simple- ment par le lieu où les gens ont vécu et les moyens dont ils ont disposé. Longtemps avant que l`écriture ne nous parvienne, nous apprenions en observant les saisons et la nature, par l'ex- périence personnelle ou acquise auprès des aînés, et en écou-
tant les Puissances supérieures. Au commencement, elles ensei- gnerent à nos ancêtres des choses qui devaient être transmises de génération en génération. Il est rare que nous entendions les vraies voix de Wakan Tanka et de ses Auxiliaires, bien que cela m'arrive quand je voyage en esprit et j'ai entendu deux fois sa voix au cours de visions. Je reçois surtout leurs directives et leurs conseils en méditant avec l' aide d' “instruments de concen- tration", et à travers des signes ou des choses que me disent d'autres personnes. Une fois que je prie et utilise mon bâton d'Offrande de Soi, je sais que la réponse est en route vers moi et je suis alors constamment à sa recherche tandis que je pour- suis mes tãches quotidiennes ou accomplis un rituel. ›› Autre chose à connaître à propos de Fools Crow : il lui fut enseigné que Wakan Tanka a une forme et n'est pas une sorte de masse immatérielle ou quelque chose d'indéfinissable dont l'Etre serait uniformément répandu à travers tout l'univers. Pour que nous aimions le Créateur, croyait Fools Crow, il faut qu'il ait une forme que nous puissions imaginer ou du moins pres- sentir, bien que des êtres finis ne puissent savoir avant de mou- rir à quoi ressemble un Etre infini. Aucune image de Wakan Tanka ou des Auxiliaires ne doit donc être faite. Ce livre est émaillé de déclarations liées à ce concept- et les lecteurs vont peut-être piquer une crise en tentant de concilier certaines d'entre elles. Par exemple, Fools Crow a déjà fait allusion à ses voyages en esprit dans des lieux où demeurent les Puissances supérieures - ne les aurait-il alors pas vues ? Lorsqu'il décrit ensuite ces expériences plus en détail, il faut se rappeler que les hommes-médecine se préoccupent rarement de concilier les données. Elles viennent de Dieu et cela suffit. Ils acceptent avec simplicité ce qui arrive, baignent dans l'émerveillement du phé- nomène, puis agissent selon les directives reçues dans cette cir- constance. Un livre comme Fools Crow, Sagesse et Pouvoir est une exception en ce sens qu'il a obligé Fools Crow à faire s'ac- corder ses informations, et nous découvrons qu'il y réussissait avec une aptitude étonnante. Mais d'ordinaire, les femmes et les hommes-médecine ne perdent pas de temps avec les « pour- quoi ›› ou les << par conséquent ››, abandonnant ce domaine à
ceux qui y trouvent satisfaction. Pendant ce temps, les scienti- fiques occidentaux poursuivent leurs interminables recherches et des personnes souffrantes restent malades et assoiffées d"épa- nouissement, alors que Fools Crow et ses semblables vivaient aussi heureux qu'on peut l`être. Fools Crow était tout disposé à dépendre entièrement de Wakan Tanka et de ses Auxiliaires. Il n'y voyait rien de dégra- dant. Il savait que Wakan Tanka, « le Très-Haut et Très-Saint ››, dote chacun d'un esprit splendide et d'un pouvoir naturel cen- sés être utilisés durant la vie - mais il reconnaissait aussi que se remettre sans réserve entre les mains infiniment capables de Dieu est ce que l'on peut faire de mieux pour son propre bien. Accepter ce fait est essentiel si nous voulons comprendre les voies éternelles des Indiens d'Amérique et y participer. La spi- ritualité a insufflé et influencé chaque aspect de leur vie tradi- tionnelle. Il n'a jamais existé pour eux de vie purement sécu- lière. Chasser est une aventure spirituelle. On prie même pour la réalisation d'oeuvres d'art et d'artisanat. C'est un mode de vie qui mène à respecter et révérer profondément la nature. Les Indiens des temps anciens vivaient dans une mutuelle coopé- ration, ils ne gâchaient rien, ne laissaient pas de détritus ou de pollution à l'échelle où nous le faisons, et la plupart étaient beaucoup moins occupés à des guerres et des combats qu'on ne le croit généralement. Ils n`avaient pas besoin d`organiser un « Jour de la Terre " comme nous en sommes venus à le faire aujourd'hui pour alerter l'opinion sur les dangers que nous avons engendrés. Chaque jour était pour eux un jour de préser- vation de la terre. Rappeler cela, ce n'est pas naïvement enno- blir les Indiens des temps anciens, c'est une simple constata- tion. Ils avaient beau être dix millions en Amérique du Nord à l'époque de l'intrusion européenne, il n'existe pas la moindre preuve qu`ils aient pillé l'environnement de manière grave. Partout où allèrent les Européens, ils trouvèrent une vaste nature vierge aux eaux cristallines, aux forêts bourgeonnantes. Après des milliers d' années de présence humaine, nulle part le nombre de poissons, d`oiseaux ou d'autres espèces animales en danger d'extinction n'approchait celui d'aujourd'hui. Certains anthro-
pologues pensent que les Indiens du Paléolithique, qui com- mencèrent à fabriquer des pointes de lance en pierre taillée, cau- sèrent la disparition des mastodontes, des paresseux, des smi- lodons et de quelques autres espèces. Mais quel que soit le rôle joué par les Indiens dans ces extinctions, il n'est rien comparé à ce que les non-Indiens ont provoqué depuis la fin du Pléistocène. Les actes exceptionnels accomplis à travers Fools Crow furent légion, mais c'est après sa mort que les panégyriques mirent en lumière son profond amour et sa sollicitude pour toutes les races. On reconnaît son souhait fervent de partager les dons de Dieu avec tous ceux qu'il pouvait atteindre et la pitié qu'il ressentait pour d' autres qui ne comprenaient pas pour- quoi il devait en être ainsi. « Pour que le monde survive, nous devons partager ce que nous avons et travailler ensemble. Sinon, le monde entier mourra. D'abord la planète, puis les gens ››, dit- il. Il ajouta : « Ceux qui se plaignent de la divulgation des secrets de médecine et en parlent le plus sont toujours ceux qui en savent le moins. ›> Il n'avait guère de temps à consacrer à quiconque tentait de garder pour soi les bénédictions. Fools Crow et Black Elk étaient convaincus que l`Etre suprême qu'ils vénéraient était le vrai Dieu unique de la Bible - et c'était une raison encore plus forte de partager les dons avec tous '. Triste réalité, il a fallu des siècles aux différentes Eglises chrétiennes pour reconnaître cette vérité d`un Dieu commun et admettre que les chrétiens peuvent beaucoup apprendre auprès des Indiens sur la spiritualité. C'est ce que j'ai publiquement affirmé pendant plus de vingt ans sans grande réponse en retour. Je suis donc ravi de pouvoir dire qu'enfin certaines personna- lités à la tête des principales Eglises en conviennent.
black elk disait: j'ai guéri avec le pouvoir qui passait à travers moi bien sûr ce n'était pas moi qui guérissait c'était le pouvoir venu de l'autre monde; les visions et les cérémonies avaient simplement fait de moi un trou à travers lequel le pouvoir avait la possibilité de parvenir aux deux-jambes si j'avais pensé que c'était ma propre action, le trou se serait fermé et aucun pouvoir n'aurait pu passer tout ce que j'aurais fait alors aurait été insensé
nous black elk et lui en avons parlé plusieurs fois nous pensions tous deux que les puissances supérieures nous avaient enseigné la même chose à ce sujet nous sommes juste des trous mais comme j'ai utilisé des os creux pour soigner j'ai décidé qu'il valait mieux concevoir les homme-médecine comme de petits os creux
-toutes les personnes-médecine sont des os creux à travers lesquelles oeuvrent wakan tanka, tunkashila et les auxiliaires? -en elles et à travers elles le pouvoir vient d'abord en nous pour nous faire devenir ce que nous devons être, puis coule à travers nous et en-dehors vers les autres
Je lui appris que les hommes-médecine pueblos pensaient qu'ils étaient semblables à des tubes et qu`ils m'avaient expli- qué comment cette conception s'intégrait dans leur vie. Je lui dis que l'entendre utiliser les mêmes termes avait aussitôt capté mon attention et que je me demandais si, pour devenir un os creux, il passait par quatre stades identiques à ceux des Pueblos 2
D' abord demander à Wakan Tanka de venir les libérer de tout ce qui, en eux, entraverait son action - par exemple les doutes, les questions, les réticences ; puis se reconnaître comme un tube propre, prêt à être comblé d'espoir et de possibilités, animé de l'ardent désir d'être empli de pouvoir ; au troisième stade, sen- tir le pouvoir monter en eux avec force ; et enfin donner le pou- voir aux autres, sachant qu`à mesure qu'ils s`en vident, les Puissances supérieures continueront à les emplir d'un encore plus grand pouvoir à donner 1. Je ne le lui dis pas, mais en par- lant de ce concept des Pueblos, je me demandais s'il était pos- sible que je retrouve le même, ici, dans les Grandes Plaines. Si Fools Crow avait connaissance de ce processus et le pratiquait, ce serait une preuve supplémentaire à l'appui de notre com- mune conviction : puisque nous connaissons et vénérons le même Dieu, il est naturel de supposer qu' il enseigne à tous ceux qui l'aiment les mêmes leçons fondamentales. Fools Crow répondit à presque toutes mes questions des le lendemain matin, quand il me demanda de venir dehors avec lui pour prier. Il portait sur le bras gauche une couverture pliée ; dans la main gauche un tambour avec son bâton ; dans la main droite sa pipe, ses instruments pour fumiger - cette fois, un coquillage rempli ~ et une plume d'aigle royal. Je dois expliquer que Fools Crow avait deux manières de fumiger (il disait << faire de la fumée ›>). Pour les situations per- sonnelles, par exemple fumiger les objets rituels, il allumait
simplement le bout d'une touffe torsadée de glycérie, puis la passait sur les objets et autour. S`il ne disposait pas de glycé- rie, il prenait de la sauge. Pour les autres circonstances requé- rant une plus grande quantité de fumée, il faisait un mélange de glycérie, de sauge séchée et de tabac dans un grand coquillage et l'allumait. Quand la fumée était assez abondante, il soufflait de temps à autre sur les cendres chaudes en poussant avec la plume d'aigle la fumée vers les personnes engagées dans la cérémonie et aussi vers les objets rituels qu'il allait utiliser. Tout en poussant la fumée, il agitait la plume. Son geste était si beau qu`en fermant les yeux, on avait la nette sensation qu'un aigle planait tout près de soi. S'il le faisait dans la loge de sudation, on pouvait même entendre le cri aigu de l'aigle. Quand nous atteignîmes l“endroit où il avait coutume de prier, il replia la couverture pour en faire un rectangle d' envi- ron un quart de sa dimension dépliée, puis l'étala sur l'herbe. Il plaça le coquillage rempli sur le bord de la couverture situé à l'est, au coin nord-est, et en alluma le contenu avec une allu- mette. Lorsque la fumée fut suffisante et que sa douce odeur imprégna le lieu, il prit la plume pour me purifier à la fumée, se purifia lui-même, puis la couverture. Après quoi, il se touma vers l'est, retira ses lunettes, s'agenouilla sur la couverture. Il était sept heures du matin ; le soleil, déjà haut, bai gnait ensemble dans ses rayons le lieu et Fools Crow. Son visage brillait d' un doux éclat et la lumière du soleil effaçait ses rides. Il semblait rajeunir. Il ferma les yeux et fit sept respirations profondes pour commencer son immersion dans le rite qu'il allait accomplir. Ce préliminaire achevé, il posa ses mains en coupe dans son giron et attendit, attentif à la réponse de Waltan Tanka. Pendant ce temps, je réfléchis à l'idée d'immersion et à ce qui se passe pour l'esprit quand on y procède. Le vieux saint homme et d'autres personnes-médecine m`avaient appris que plus l'immersion est longue et profonde, plus la réussite de la quête est grande. Il s'agit d`atteindre un état de complète com- munion avec Wakan Tanka et les Auxiliaires. Ils peuvent alors nous illuminer et nous guider, tout en nous donnant réconfort, espoir, force et pouvoir. Le temps passé en immersion n'est
jamais du temps perdu ; il renverse notre réaction habituelle face à des tâches importantes et trop absorbantes. Nous nous croyons généralement obligés de nous précipiter pour organi- ser le travail et nous y mettre le plus vite possible ~ parce que le temps presse. Si jamais nous prions à propos de la situation concernée, ce n`est que brièvement, tellement nous avons à faire. Puis nous passons toute la journée à ces travaux, pour finir épuisés et frustrés. Avec l'immersion, on consacre beaucoup de temps à la prière, on obtient des Puissances supérieures la force et les directives nécessaires, ensuite on vient à bout des mêmes tâches en une fraction du temps nécessaire autrement et, à la fin, on se retrouve frais, dispos et satisfait.
Les yeux encore fermés, Fools Crow se mit à tirer des deux mains en partant de sa poitrine et de son abdomen, comme s"il en extirpait du mal ou des choses négatives. Il agrippa ainsi un grand nombre de poignées et jeta leur contenu. Ensuite, il tendit les bras et les mains le plus haut possible vers le ciel et les tint ainsi deux bonnes minutes tout en regar- dant en l`air avec un large sourire. Jamais je ne l'avais vu aussi heureux.
Après quoi, il se mit à saisir l'air au-dessus de lui, attrapant des choses invisibles qu`il versait par poignées dans sa tête et son corps. Pour terminer, il commença à retirer des choses invisibles de sa poitrine et de son corps, mais cette fois il tendait les mains côte à côte devant lui et lançait ce qu°il retirait vers une assis- tance invisible... pour moi, mais, j'en suis sûr, visible pour lui. Aucune parole ne fut prononcée pendant que Fools Crow effectuait ces gestes, mais quand il eut fini, il ramassa le tam- bour, le battit doucement et entonna un chant de mélopée, c'est- à-dire un chant où les syllabes servent simplement de support à la mélodie sans avoir de sens. Le rythme était celui que les Indiens appellent le << battement de parade >›, lent et régulier, utilisé pour les circonstances importantes. Si Kate avait été présente, elle aurait << lancé des trilles ›> pour exprimer son bonheur et sa gratitude. Quand le chant fut terminé, Fools Crow, toujours à genoux, pointa le tuyau de sa pipe vers les quatre directions, en haut vers Wakan Tanka et Tunkashila. puis en bas vers Grand-Mère Terre. Il se touma ensuite vers moi et déclara : « Wakan Tanka et les Auxiliaires viennent de faire de moi un nouvel os creux tout propre. Chaque fois que j'en ai le temps avant d'entreprendre une guérison physique ou psychique, de diriger une cérémonie ou d`y participer, je m'isole et leur demande de me préparer ainsi. - Vous dites Wakan Tanka et Tunkashila. La plupart des autorités en la matière estiment que ce sont des noms différents désignant la même Personne. - Non ! répliqua Fools Crow avec rigueur. Nous avons trois divinités principales, comme les chrétiens. Wakan Tanka est comme le Père. Tunkashila est comme le Fils. Les Puissances et Grand~Mere Terre sont ensemble comme le Saint-Esprit, et je les appelle tous les cinq les “Auxiliaires de Wakan Tanka'. Quand je parle de ces sept Etres ensemble, je les nomme par fois les “Puissances supérieures". Quand je prie avec ma Pipe. je dirige le tuyau en haut vers Wakan Tanka, puis juste un peu plus bas vers Tunkashila. Mais Wakan Tanka et Tunkashila pen-
sent, agissent et veillent sur nous comme étant Un. Il n'y a donc qu'un Dieu unique. Chaque fois que je dis Wakan Tanka, cela signifie aussi Tunkashila 3.
- Vous avez fait quatre sortes de gestes, tout à l'heure, dis- je avec un enthousiasme non feint. - Ho, dit-il en tendant les poings serrés devant lui. D'abord, j`ai pensé à toutes les pierres d'achoppement qui, en moi, peu- vent entraver l`action de Wakan Tanka et des Auxiliaires lorsque je veux qu'ils œuvrent en moi et à travers moi. Puis je leur ai demandé d'enlever ces choses pour que je sois un os propre. Ils l'ont fait et, quand j'ai senti les obstacles sortir de moi, je les ai empoignés et les ai jetés. Quand tout ceci a été effectué, je me suis senti frais et propre. Je me suis vu comme un os creux, vide et tout brillant à l`intérieur. J'ai regardé en moi pour Voir s'il restait un obstacle ou une saleté, et il n'y en avait plus. J'ai su alors que j'étais prêt à bien servir Wakan Tanka et j'ai levé très haut les mains pour offrir mon action de grâces et lui dire com- bien j`étais heureux. Immédiatement, j'ai senti le pouvoir com- mencer à m'envahir, et j'ai tendu les mains en saisissant l'air pour l' aider. C' était merveilleux et mon énergie a augmenté jus- qu'à ce que je sois entièrement rempli de pouvoir. J`ai pensé que j`allais exploser ! Puis j'ai vu autour de moi des gens de
toutes races et je leur ai donné le pouvoir. Tous en étaient très reconnaissants et participer à ce don m'a procuré un grand bien- être. À mesure que je me vidais, je pouvais sentir encore plus de pouvoir entrer en moi, c`était merveilleux ! ›› ll me regarda attentivement pour voir ma réaction et dit : << Voilà comment je deviens un petit tube creux. ›› J 'étais ravi, bien sûr, et me redressai pour prendre une res- piration profonde, car il me semblait avoir oublié de respirer pendant toute la durée du rite. Finalement, je demandai : << Et quand vous le faites pour vous préparer à entreprendre une guérison... ? ›› Il ne me laissa pas terminer la question. « Alors, au lieu d`un grand nombre de personnes, je vois juste celle que je traite. Mais quand je suis seul ici, je le fais pour être prêt à servir tous les hommes : Rouges, Noirs, Blancs, Bruns et Jaunes. - Est-ce que n'importe qui peut devenir un petit os creux pour que Wakan Tanka agisse en lui et à travers lui ? - Peut-être pas devenir une sainte personne ou une per- sonne-médecine, parce que c'est une vocation. Mais tout le monde peut devenir un os creux pour servir les autres. Et ceux qui le feront découvriront que, en cas d'urgence, ils peuvent tout accomplir en la moitié du temps qui serait ordinairement nécessaire. lls peuvent aussi se préparer immédiatement à effec- tuer des choses importantes. Si je n'ai pas le temps d'accom- plir quoi que ce soit d`autre avant de soigner quelqu'un, je fais au moins cette préparation. Au besoin, je peux même la faire mentalement. - En ce qui concerne l'idée de l'os, quelle différence y a- t-il entre une personne-médecine ou sainte et une personne ordi- naire ? - Les os les plus propres sont ceux qui servent le mieux Wakan Tanka et les Auxiliaires, et les personnes-médecine ou saintes travaillent le plus intensément a devenir propres. Plus l`os est propre, plus on peut y verser de l`eau, et plus elle coule vite. C'est ce qui se passe pour nous avec le pouvoir, et la per- sonne sainte est celle qui devient la plus propre de toutes. ›› Plus tard, assis devant la maison de Fools Crow, nous évo- quions les hommes-médecine de Pine Ridge, de Rosebud et des autres réserves sioux. C'est alors que nous eûmes notre pre- mière conversation sur les moyens de distinguer une personne- médecine authentique d'un simulateur. D'autres discussions eurent lieu par la suite sur ce même sujet, jusqu`à ce que j'eus enfin regroupé toutes ses pensées. Elles sont réunies dans les pages suivantes. Chacune fut offerte durant un moment « paumes levées ›› et je présume que les personnes-médecine - qu'elles soient authentiques ou fausses - trouveront ces infor- mations d'un intérêt considérable 4.
<< Comment un Sioux devient-il un homme-médecine ? demandai-je. - Certains pensent que nous sommes choisis pendant que nous sommes encore dans le ventre de notre mère. C'est peut- être vrai, parce que la majorité d'entre nous commençons à le devenir des notre enfance. Nous avons des sentiments étranges à ce sujet et nous pensons aux Puissances supérieures plus que ne le font les autres enfants. Nous jouons moins et faisons moins les autres choses. Nous nous isolons et examinons ce qui nous arrive. Tout ceci est bien sûr l' œuvre de Wakan Tanka. Il regarde en nous et voit ce que nous sommes. En réalité, lui et Tunkashila nous appellent! 5 Ce qui se passe alors est que nous nous ouvrons de plus en plus aux Puissances supérieures.
C`est comme si notre corps était couvert de trous à travers lesquels elles entrent et nous emplissent, tandis que dans l'autre sens, nos prières et nos désirs sortent pour monter vers elles. Nous sommes égale- ment prêts à renoncer à un grand nombre des plaisirs ordinaires de la vie afin de devenir des hommes-médecine. Nous savons que nous devrons prendre le temps nécessaire pour apprendre a utiliser le pouvoir que nous recevrons dans le but d' accom- plir des guérisons physiques et spirituelles et d`aider notre peuple de toutes les manières qui nous seront possibles. A mesure que ces phénomènes se produisent, nous subissons un changement ; jour après jour, nous entrons de plus en plus pro- fondément dans ce que nous devenons. Cette évolution ne nous dégage pas de nos responsabilités habituelles. Nous continuons à partager le travail qui doit être fait à la maison et devons contri- buer aux besoins de notre communauté. En fait, ce que font les hommes-médecine, ils le font pour leur communauté et leur nation. Nous sommes appelés à devenir des os creux pour notre peuple et toute autre personne que nous pouvons aider, et nous ne sommes pas censés rechercher le pouvoir pour notre usage ou notre honneur personnels. Ce que nous, les os creux, deve- nous en réalité, c`est le pipeline qui relie Wakan Tanka, les auxiliaires et la communauté. Ceci nous indique la direction que doit suivre notre travail de guérison et établit le mode de vie que nous devoirs mener. Cela nous oblige aussi à travailler a des choses qui ne nous rapportent pas grand revenu matériel.
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| | | raphaël
Messages : 1563 Date d'inscription : 03/04/2008
| Sujet: Re: Sagesse et Pouvoir Ven 1 Nov - 16:25 | |
| Nous devons donc être forts et vouer fidélité à ces principes, sinon nous recevrons très peu de pouvoir et finiront sans doute par abandonner notre tâche de guérisseur. Les hommes qui furent nos maîtres, comme Stirrup le fut pour moi, enseigne- rent que la manière traditionnelle d' accomplir un rite est plus importante que le fait de guérir quelqu'un. Guérir un simple individu est important seulement en fonction de ce que cette guérison apprend à la communauté tout entière. Il faut que la communauté sache que Wakan Tanka et les Auxiliaires sont toujours avec elle et qu' elle ne doit pas avoir peur. Voir une per- sonne guérie apporte à tous cette assurance et donne à la com- munauté la force de persévérer malgré la détresse et les désastres. La personne-médecine se tient donc au centre de toute circonstance importante survenant dans sa communauté et sa nation ; et quand le pouvoir est mis en mouvement puis par- tagé, il nous apporte un pouvoir plus abondant et même plus élevé. Par ailleurs, la prévention, nous le soulignons, est plus importante que le traitement pour la communauté et les indivi- dus. Se préparer à l` avance ne nous empêche peut-être pas d' être atteints, mais nous évite d' être détruits. Malheureusement, notre peuple commence à l'oublier et il paie cet oubli d' un prix tra- gique. Ils se font assommer et ils ne savent plus comment se relever ou n'en ont plus la force. - Comment survient la différence entre un saint homme et un homme-médecine ? - Le pouvoir embrasse toute la vie d' un saint homme. ll en influence tous les aspects. Notre connaissance et notre com- préhension augmentent ainsi plus vite ; notre relation avec les Puissances supérieures et avec le pouvoir lui-même se diffé- rencie donc rapidement de celle des personnes-médecine. Les saints hommes et les saintes femmes disposent aussi de moyens plus nombreux pour obtenir le pouvoir et le mettre en mouve- ment. Nous pouvons guérir les autres et nous-mêmes avec plus de facilité et de rapidité. Nous atteignons des états de conscience très élevés plus souvent et notre expérience de ces états est plus profonde et plus intense. Les saints hommes peuvent voyager en esprit jusqu'aux demeures des Puissances supérieures et se métamorphoser en oiseaux ou autres animaux qui iront parmi les gens voir ce qui se passe. Dans les situations les plus graves, c' est aux saints hommes que font appel les individus ou les com- munautés, et ce sont eux qui obtiennent les résultats les plus impressionnants. Aussi chaque époque ne compte-t-elle que très peu d' individus comme nous et nous seuls sommes capables de montrer aux autres la plénitude du pouvoir en action. Alors on nous donne le nom de saints hommes et de saintes femmes. Mais les personnes-médecine sont, elles aussi, différentes des personnes ordinaires. Elles peuvent se comporter la plupart du temps comme tout le monde et sembler ordinaires, mais elles ne le sont pas. Leur maniere de penser est différente. Ce qui leur arrive est différent. Elles ont des intuitions que n'ont pas
les autres. Ces pensées et ces intuitions leur permettent d`at- teindre les états de conscience élevés que requiert leur travail. Autre différence encore : comparés à ceux qui ne font pas de guérisons physiques ou spirituelles et même aux personnes- médecine, nous sommes plus émotifs. Cette sensibilité nous permet d'atteindre les états de conscience élevés plus vite et plus facilement. Grâce à nos émotions, quand nous accomplis- sons un rite ou soignons quelqu'un, nous pouvons intensifier notre état intérieur à mesure que nous progressons vers le point culminant de l'action. << Nous, les saints hommes, savons également qui nous sommes. Nous avons une image de nous-mêmes très claire. Je ne le dis pas pour me vanter. C'est la vérité. Nous savons que nous faisons partie de l'histoire des Sioux et que, lorsque nous devenons de petits os creux, ce que les Puissances supérieures peuvent opérer en nous et à travers nous dans le domaine spi- rituel est illimité. Même notre corps physique ne peut nous contenir, parce que notre esprit peut en sortir et voyager. Nous avons des rêves, des visions et des pensées fantastiques. Cela commence des notre enfance, et fait que nous sommes toujours prêts à être emmenés par Wakan Tanka et les Auxiliaires dans des lieux où ils nous montreront des choses que les autres, à cause de leur esprit borné, ne verront peut-être jamais. Le pou- voir que nous recevons est destiné à accomplir des guérisons physiques et spirituelles, à prophétiser, à résoudre des pro- blèmes et à retrouver des personnes ou des objets perdus. Il sert aussi à répandre l`amour, à transformer, à assurer la paix et la fertilité. Il n"est pas destiné à nous donner du pouvoir sur les autres parce que la source de pouvoir, ce n`est pas nous. ll vient en nous et coule en nous, les petits os creux, mais il appartient à Wakan Tanka et aux Auxiliaires. Ils sont la Source, et c'est à eux que doit aller toute la gratitude. « Néanmoins, la vie d`une sainte personne devient tout imprégnée de pouvoir. Nous sommes comme des éponges imbi- bées. Nous pensons sans cesse au pouvoir et le pouvoir qui nous est donné est facilement mis en mouvement. Notre vie est une danse de pouvoir, les gens de notre peuple le voient et nous honorent. Nous sommes donc toujours exposés au regard d'au- trui et notre conduite doit être irréprochable. Je ne discute pas, ne me bats pas, ne hais personne, ne fait pas de commérages et n'ai jamais prononcé de juron. Je n'ai pas couru les femmes et j'ai contrôlé ma sensualité. Je n'ai jamais touché une patiente plus qu'il ne m'était nécessaire pour la soigner. Je n'ai profité de personne. Je n'ai jamais fait payer mes soins ou mes conseils, mais j'ai accepté les cadeaux apportés par gratitude. Je n'ai jamais touché à l`alcool ni aux drogues ; je n'ai même pas uti- lisé de peyotl comme on le fait dans la Native American Church (Eglise indienne). Wakan Tanka peut m'emmener plus haut que jamais ne le pourra aucune drogue. C'est en raison de cela et de ma vie spirituelle, que les gens me respectent. Mais l'im- portant, c'est que je reflète pour eux Wakan Tanka et les Auxiliaires. Je ne suis ni Wakan Tanka ni les Auxiliaires, mais, à travers moi et la vie que j`ai menée, les autres voient à quoi Ils ressemblent. Ma vie a été heureuse et bien remplie. Je ne sais pas comment elle aurait pu être meilleure. Wakan Tanka ne m'a pas demandé de renoncer aux choses que je viens de men- tionner. J'ai simplement pris conscience que j 'aurais une vie meilleure en m'en passant. Une des raisons pour lesquelles j'ai eu tant de mal à trouver des personnes à qui transmettre ma médecine est que bien peu souhaitent mener une vie morale et frugale. Elles parlent beaucoup de leur désir de le faire mais, en leur for intérieur, ne veulent pas renoncer aux plaisirs et aux choses matérielles. Vous pouvez aussi distinguer un homme- médecine authentique d`un simulateur en voyant ce qu'il vous demande en échange de son aide. Selon l'endroit où il vit, il a besoin comme tout le monde d'avoir assez d'argent pour vivre et payer ses factures. Mais s'il demande plus qu'un paiement normal pour ces besoins, détournez-vous de lui. Ce n'est qu'un simulateur et son pouvoir sera très limité. Il est peut-être élo- quent, il a peut-être créé des cérémonies qui vous séduiront, mais ce ne seront pas des cérémonies traditionnelles, venant des Puissances supérieures. Souvenez-vous que le mal peut aussi effectuer des cérémonies. Notre plus forte protection contre le mal, c'est notre pipe. J 'utilise la mienne presque à chaque céré-
monie. La pipe est un cadeau sacré donné aux Sioux ; pour nous, elle représente notre relation d`alliance avec Wakan Tanka et les Auxiliaires. Quand nous tenons la pipe entre nos mains et l'employons dans des cérémonies, c'est comme si un chrétien pouvait tenir Jésus-Christ dans ses mains quand il prie. ›> Fools Crow, nous en avons déjà parlé, m'avait dit que tout son travail de saint homme, quoique exigeant, était « une danse de vie ››. Il ajouta qu'il n'était son moi authentique que lors- qu'il accomplissait cette danse. C'était un homme vigoureux et charismatique. Le simple fait d'être avec lui était une expé~ rience spirituelle. Quiconque est resté auprès de lui, Indien ou étranger, le confirmera, Robert DeNiro, l' acteur bien connu, alla voir Fools Crow quand le saint homme était âgé de quatre-vingt- dix ans et trop affaibli pour soutenir une conversation de poli- tesse. L'acteur demeura simplement assis auprès de lui pendant deux jours, mais décrit ce moment comme l'une des plus pro- fondes expériences de sa vie. Ce qui s'accomplissait en Fools Crow et à travers lui magni- fiait encore son charisme, bien sûr. Mais il soulignait toujours que son pouvoir et celui qui venait s'y ajouter lui étaient tous deux donnés pour le bien d'autrui. Il trouvait cette perspective normale, n'y voyait rien d`exceptionnel. Si une chose l'intri- guait à ce sujet, c'était son incapacité à comprendre pourquoi tout le monde ne pensait pas de même, et ne suivait pas un mode de vie semblable au sien. Je demandai à Fools Crow s'il avait un conseil à donner à ceux qui pensaient avoir déjà un pouvoir de guérison ou qui étaient appelés à l'avoir. « Ils doivent viser le ciel, répondit-il, et se fixer des normes et des buts qui, au début, sembleront hors d' atteinte. Mais il leur faut apprécier les défis de cette entreprise et ne pas rechercher la perfection. Un jour, ils en seront peut-être proches. Si, au contraire, ils visent bas, c'est là qu`ils resteront toujours. Même les échecs apportent quelque chose de positif. Ils nous obligent à rester humbles, ils nous aident à découvrir nos erreurs et à les réparer. Les échecs nous montrent aussi qu'il faut pratiquer davantage, jusqu'à ce qu'on se soit améliore. Rien n`est auto- matique dans notre relation avec Wakan Tanka. Il veut que l`ex- périence personnelle nous apprenne à donner notre mesure afin de pouvoir ressentir pleinement les choses. Abandonner est le plus grand échec de tous. N'abandonnez pas. Laissez le travail de côté un certain temps s'il le faut, mais ensuite, reprenez-le. C' est l'exercice, la pratique, qui nous donnent confiance et nous préparent à affronter les grandes épreuves quand elles se pré- senteront. - Comment s'exerce-t-on quand il faut guérir le corps ? N'est-ce pas dangereux ? ›› Il rit, puis répondit : << Je me suis exercé au début sur de petites choses - sur de petites blessures et dans des situations sans gravité. - Je ne comprends pas très bien. Si Wakan Tanka et les Auxiliaires vous disent ce qu'il faut faire, pourquoi donc est-ce nécessaire de s'exercer ? ›› Fools Crow émit un petit grognement, se redressa. « Même si le pouvoir vient en nous et à travers nous, cela ne change pas le fait que nous sommes des êtres humains, limités. Les Puissances supérieures doivent œuvrer avec nous tels que nous sommes ; mais avec le temps, nous nous améliorons et devenons moins gênants pour elles. - Y a-t-il des regles fondamentales que les futurs guéris- seurs doivent suivre ? - Pour devenir un os creux propre, il faut d`abord vivre comme je l`ai fait, ou si vous ne le faites pas déjà, commencer à le faire. Vous devez aimer tout le monde, faire passer les autres en premier, être moral, ne rien faire de criminel, avoir une vie ordonnée et bon caractère. Si vous n'agissez pas ainsi, vous serez aisément trompés et deviendrez un os creux pour les pou- voirs du mal. Comme je l'ai dit auparavant, vous devez aussi servir les Puissances supérieures sans demander plus en retour que ce que vous pouvez raisonnablement attendre. Si vous demandez plus aux personnes que vous aidez, le pouvoir que vous recevrez viendra des êtres mauvais et nuira à ce que vous essayez d'acc0mplir. De même, si des gens viennent vous voir par simple curiosité et vous demandent d' accomplir un miracle
devant eux, ignorez-les. Wakan Tanka et les Auxiliaires ont mieux à faire que de satisfaire la curiosité des incrédules. Le plus grand miracle n'est pas quelque chose d'incroyable, ce sont les milliers de vies transformées. Les miracles ne font jamais de croyants. Un prêtre m`a dit que Jésus, un jour, avait nourri cinq mille personnes avec quelques poissons et un peu de pain. Mais le lendemain matin, quand ils vinrent pour le petit-déjeu- ner, croyant avoir trouvé un restaurant gratuit, il ne les nourrit pas et ils s'en allèrent tous. Les miracles ne font pas de croyants. - Dans tout cela, la foi a une grande importance... - Ho, celui qui veut être un véritable homme-médecine doit avoir la foi, et il ne peut réussir qu'avec ceux qui ont aussi la foi. Les bonnes intentions ne suffisent pas, les excuses ne suffisent pas. Pour que la guérison physique ou spirituelle se produise, la personne-médecine et le patient doivent être “col- lés' ensemble dans la foi. - Autre chose ? - Oui. La véritable personne-médecine et le véritable saint homme ne tentent pas de tricher, de tromper quelqu'un ou de simplement se tirer d'affaire. Au contraire, ce sont toujours eux qui se donnent le plus de mal pour agir et pour étudier. Tant que nous avons la force d'accomplir la volonté de Wakan Tanka, nous travaillons sans discontinuer à notre tâche. Nous gardons une vie équilibrée, mais ne perdons pas de temps. Les gens peu- vent tout faire, s`ils sont prêts à le bâcler. Or les hommes-méde- cine doivent, c'est évident, prendre le temps de faire l'expé- rience concrète des choses afin de savoir comment elles sont en réalité. Pouvons-nous connaître la sensation que produit la pluie ou la neige sans être dehors quand elle tombe ? Pouvons-nous savoir ce qu'on ressent dans une danse du Soleil sans faire soi- même l'expérience de ce que ressent un danseur ? Pouvons- nous savoir ce qu'est la souffrance si nous ne souffrons pas ? Une autre chose nécessaire aux personnes-médecine, c'est le sens de l`humour. Vous savez que j`apprécie la vie et aime rire. Le rire brise la tension. C'est un très bon guérisseur. Et il nous empêche de prendre la vie trop au sérieux. Après tout, Wakan Tanka et les Auxiliaires sont les Chefs des temps. Ils ont tou- jours été et seront toujours. Nous venons et partons, mais le cercle sacré tournait avant nous et, si nous faisons ce que sou- haite Wakan Tanka, il continuera à tourner après nous. - N'est-il pas vrai, cependant, que les personnes-médecines et les personnes saintes vivent en général plus longtemps que les autres ? - Les personnes-médecine aux cheveux gris ont été nom- breuses. - Comment l'expliquez-vous ? ›› Ses yeux pétillèrent comme ils le faisaient d'habitude quand ce qu'il allait dire l'amusait. << On m'a parlé de la fontaine de Jouvence, dit-il. Mais ce n`est qu`un rêve. Si les gens le voulaient vraiment, il existe un moyen réel pour rester en bonne santé et vivre longtemps. Ils doivent se donner à Wakan Tanka et mener une vie spirituelle. Ils posséderont la paix qui les libérera de la peur. Ils sauront que Wakan Tanka et les Auxiliaires les entourent et qu'aucun mal ne les atteindra dont ils ne puissent se rétablir. Il n'y a donc pas de peur. Ils restent calmes et pondérés. Ils ne souffrent ni d' ul- cères ni de crises cardiaques subites pendant qu'ils sont encore jeunes. J'en ai eu deux, mais la premiere à quatre-vingt-deux ans seulement. 6 Ceux qui mènent une vie spirituelle ne sont pas aussi angoissés que les autres ; ils ne se soucient pas autant d'être des chefs ou de plaire pour s`assurer une meilleure place dans la société. Ce qu'ils font leur apporte plutôt une satisfac- tion intérieure. Ils se sentent bien dans leur peau et prennent naturellement soin d`eux-mêmes comme ils le doivent.
- Vous décrivez là un portrait idéal, mais est-il réaliste ? - Que signifie "réaliste" ? - Possible, probable, qui peut arriver. ›› Il y réfléchit un moment, puis me répondit par une autre ques- tion :
« Ne devrions-nous pas toujours nous souvenir que Wakan Tanka ne nous demande pas d' accomplir ces choses tout seuls ? ll nous accompagne tout au long des chemins de la vie et il peut faire pour nous ce que nous ne pourrions jamais réaliser seuls. - Pouvez-vous donner quelques exemples de longévité due à une vie spirituelle ? - J 'en suis un, dit-il sans la moindre trace d'humilité. Black Elk en est un autre il y a aussi Charles Red Cloud, qui a quatre-vingt-neuf ans, Iron Cloud et mon père. Je pourrais en citer beaucoup et, en fait, je vous ai déjà donné les noms de certains [dans L'Homme-médecine des Sioux]. Mais je dois admettre que c'est en train de changer. La plupart des Indiens de mon peuple commencent à s'écarter de Wakan Tanka et, chaque jour qui passe, les exemples de ces longues vies sont plus difficiles à trouver. ›› 7
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| | | raphaël
Messages : 1563 Date d'inscription : 03/04/2008
| Sujet: Re: Sagesse et Pouvoir Ven 1 Nov - 16:26 | |
| 3 PETITS OS EN ACTION
Chez tous les peuples anciens, le pouvoir est au centre de tout ce qui conceme la vie et la mort. Parmi les concepts de pou- voir, l'un des plus faciles à comprendre, et qui tient << en deux mots ››, est celui de la tribu des Kungs dans le désert sud-afri- cain du Kalahari. Selon certains auteurs, il s`agit de la tribu la plus primitive survivant aujourd'hui dans ce pays - d'autres estiment au contraire que leur culture est extraordinaire et d' une grande richesse. Ce sont encore des chasseurs-cueilleurs et leur mode de vie est vieux de vingt mille ans. Les Kungs croient que Dieu, nommé Gao Na, implante à la naissance dans les pieds et les chevilles de chaque personne un pouvoir, ou énergie, appelé num. Pour éveiller et libérer ce pouvoir, ils accomplissent une danse de guérison destinée à << le faire monter par la danse ›>. Chaque être humain participe de toute la pensée de l'humanité contemporaine et de ses faiblesses, cependant, parmi les indi- vidus spécialement formés à cette pratique et en harmonie avec cette énergie, le num peut continuer à monter pendant la danse jusqu'à un point d'« ébullition ›› où il devient kia, un état de transcendance semblable à une transe. Ceux qui l'atteignent sont ensuite capables de servir de canal à Gao Na pour guérir, prophétiser ou apporter d'autres contributions précieuses aux villageois et aux visiteurs qui dansent avec eux . 8
Fools Crow avait une compréhension du pouvoir similaire à celle des Kungs, bien que sa manière de l`exprimer fût diffé- rente et certainement plus vaste. En fait, sa perspective diffère aussi de celle de certains Indiens et observateurs extérieurs - néanmoins les récits de Black Elk recueillis par Neidhardt et Brown montrent clairement que Black Elk et Fools Crow étaient bien d'accord sur la nature de ce pouvoir et sa fonction. Quand à l'idée d' « énergie bouillonnante ››, rappelons-nous que Fools Crow disait : Lorsque quelqu`un est en ordre avec Dieu, il éprouve toujours une sensation particulière. Durant mes séances de guérison, je me sens chargé de pouvoir et suis tout excité 9
Je connais ces choses parce qu`elles se passent à l'intérieur de moi-même. Lorsqu'on vient me demander une aide thérapeutique quel- conque, en accomplissant la cérémonie je sens la force, l'éner- gie, grandir en moi. Je sais alors que j'ai le pouvoir de guérir. Les esprits me le font savoir. Ils viennent même en moi me donner force et confiance. J'aime sentir monter cette énergie en moi . La définition du pouvoir n'est pas toujours la même parmi les Indiens ou les observateurs extérieurs, mais leur conception générale semble être qu'à l`origine, le pouvoir vient d'une ou plusieurs sources surnaturelles, et qu'on pourrait le décrire comme une énergie stupéfiante, omniprésente dans l'univers et semblable à l`électricité. Certains vont même jusqu'à penser que Dieu est la somme de cette énergie. Il existe en tout - on peut donc dire avec raison que chacun de nous est, en un sens, une partie de Dieu. Ce n'était pas la compréhension que Fools Crow avait du pouvoir. Comme il avait souvent employé le mot « pouvoir ›› au cours de nos conversations, je lui demandai d'expliquer ce qu'il signifiait pour lui.
C'était encore un de ces domaines qui lui semblaient évi- dents et qui, pour lui, n'avaient pas à être expliqués, aussi lui fallut-il se débattre pour formuler une réponse. Je savais qu' elle n`aurait rien à voir avec le pouvoir personnel tel que le monde extérieur le conçoit généralement. Fools Crow ne se souciait guère de la position sociale. Les hommes politiques, les chefs d'entreprise, les héros du sport ou les vedettes de cinéma ne l'impressionnaient pas. Il contempla un moment l'espace, puis dit « Au commencement, Wakan Tanka avait en Lui-même tout le pouvoir spirituel. Mais Il aime partager les choses, alors Il donna un certain pouvoir à Grand-Mère Terre et un autre à cha- cune des Personnes qu'Il a placées aux quatre points cardinaux et dans les directions intermédiaires comme le sud-est. Puis Il leur dit que, lorsque des êtres humains ou d'autres créatures pleines de foi les appelleraient à l'aide, elles devraient leur envoyer ces pouvoirs et les sauver. - Je sais qu'il fut enseigné à certaines tribus, comme les Hopis, que les quatre Personnes vivent dans les directions inter- médiaires. - Ho, répondit Fools Crow, Wakan Tanka a enseigné à chaque tribu les croyances qui lui étaient les plus appropriées. Cela dépendait du lieu où elle vivait et de sa manière d'envisa- ger les choses spirituelles. - Les personnes-medecine de nombreuses tribus partagent vos conceptions, fis-je remarquer. - Un jour, répondit Fools Crow, je suis allé a une conférence indienne à Minneapolis. Là,-bas, j`ai rendu visite à un homme- médecine d' une tribu de l`Etat de Washington. Il vivait à trois mille kilometres de chez moi. Mais son Dieu avait enseigné à ses ancêtres qu'Il était la source de tout pouvoir. Cet homme avait aussi appris que toute chose possède un esprit. Même les rochers et les plantes ont un esprit. Et il dit que de nombreux Blancs ne savent pas percevoir qu`il en est ainsi parce qu`ils n`ont aucune connexion avec les forces spirituelles de Grand- Mère Terre. Tout cela me fut aussi enseigné.
- Est-il exact de dire que le pouvoir spirituel est partout pré- sent ? demandai-Je. - Non, Wakan Tanka, Tunkashila, Grand-Mère Terre et les Personnes des quatre Directions détiennent chacun leur propre pouvoir. Le pouvoir n`est pas présent partout, mais il se trouve la ou ils sont et, ainsi, il nous entoure. Il est au-dessus, au-des- sous et des quatre cotes. Un certain pouvoir a aussi été attribué a chaque chose. dans l' univers quand elle a ete créée : le soleil, la lune, les etoiles, les rochers, les oiseaux, poissons et autres animaux, les plantes, les gens, etc. 10 - Le pouvoir est-il présent partout dans l'air ? - Non, repondit-il en formant un cercle avec ses mains. Il est Juste autour de nous. ›› Il prit un bout de bois et dessina un petit diagramme sur le sol pour me montrer precisement ce qu` il entendait par << autour >›. _ « Vous avez employé l'expression “un certain pouvoir', dis- je. Cela signifie-t-il que des degres différents de pouvoir sont donnes à chaque chose ? - Chacune reçoit ce qu`il lui faut pour la survie ordinaire. ›› ` Je notai l'utilisation du terme « ordinaire ›› par opposition a << extraordinaire ›› et poursuivis : « Vous n'avez pas mené une vie ordinaire. Comment appli- quez-vous a votre propre experience ce que vous venez de dire ? ›› Il se laissait entraîner par le sujet. Ses yeux pétillèrent et il se pencha en avant : « Vous parlez maintenant des êtres humains. Wakan Tanka met un pouvoir naturel en chacun à sa naissance. En grandis- sant, ils peuvent utiliser ce pouvoir pour le bien ou pour le mal.
Ils peuvent construire de grandes villes, de grands bateaux, des avions, des bombes et des armées. Ils peuvent inventer toutes sortes de choses merveilleuses comme des réfrigérateurs, des télévisions et des téléphones. Toute personne instruite et douée peut le faire, qu'elle croie en Wakan Tanka ou non. C'est un don qu'Il nous donne avec libéralité. (Il ne limitait donc pas la localisation du pouvoir aux pieds et aux chevilles comme les Kungs, montrant ainsi qu`on lui avait enseigné que le pouvoir reçu à la naissance est répandu dans tout notre corps et notre esprit, et que les athées, comme les croyants, reçoivent un pouvoir naturel.) << En quoi le pouvoir est-il différent pour ceux qui croient en Wakan Tanka ? demandai-je. - Ceux qui croient peuvent s`élever au-dessus de la vie ordinaire. Ils peuvent faire ce que les Blancs appellent des "miracles". S`ils veulent avoir un peu de la connaissance et des capacités de Wakan Tanka, Tunkashila, Grand-Mère Terre et des Personnes, ils peuvent faire appel au pouvoir spirituel et l'ajouter au leur. - Il existe donc une différence importante entre les pouvoirs liés à la vie séculière et ceux liés à la vie spirituelle. - Que signifie “séculière' ? - La vie dans le monde quotidien par opposition à la vie spi- rituelle. ›› ll se frotta le menton avant de parler. << Il y a le pouvoir naturel et il y a le pouvoir spirituel, mais autrefois mon peuple ne séparait pas la vie spirituelle de la vie quotidienne dans le monde. Tout était spirituel. Nous baignions dans la spiritualité. C'est seulement maintenant que nous voyons une différence. Notre attitude était spirituelle, Wakan Tanka et ses Auxiliaires étaient intimement liés à toutes nos pensées et activités. Il a continué d'en être ainsi pour moi et dans la vie d`autres Indiens traditionnels. - Comment fonctionne le pouvoir spirituel et qu'est-ce au juste ? Comment l'appelez-vous en vous ? Que se passe-t-il quand vous le faites ? - À part lors de son utilisation dans une cérémonie, le pou- voir spirituel ne réside pas dans une personne ou dans un objet rituel d'une manière permettant de dire que nous sommes puis- sants ou qu`un objet rituel a du pouvoir. Il ne nous est jamais possible de guérir un patient 11
et d`affirmer : “C'est moi qui l'ai guéri, et vous pouvez m'en être reconnaissant'. Ce sont les Puissances supérieures et leurs Auxiliaires qui le font en nous et à travers nous. Nous sommes aussi des auxiliaires, mais sim- plement en tant qu'os creux à travers lesquels œuvrent ces Puissances. La majorité des gens estiment que faire de grandes choses et en construire, c`est cela qui compte - mais notre plus grand privilège et le seul durable est que, malgré certains de nos actes, certaines de nos paroles et de nos pensées, les Puissances et leurs Auxiliaires acceptent encore d'agir à travers nous. Que pourrait-il y avoir de plus grand que d“être l'esprit de Wakan Tanka, ses yeux, ses oreilles, son nez, sa bouche, ses bras, ses mains, ses jambes et ses pieds ici sur terre ? - Comment décririez-vous le pouvoir spirituel ? Pouvons- nous l'appeler énergie ou électricité ? - Parfois, on éprouve comme une sensation d`énergie ou d`électricité produite quand il se déplace en nous et à travers nous. Mais en fait le pouvoir spirituel est une forme particu- lière de connaissance, semblable à la clef qui ouvre la porte ou à l'interrupteur qui met l`énergie en mouvement. C'est de cette intuition spéciale dont nous avons besoin pour libérer la connaissance, qui stagne comme un train de flottage bloqué. D'autres ont peut-être réuni la même somme d'informations que nous, mais elles restent bloquées. Elles ne les mènent à rien parce qu'ils n'ont pas fait appel au pouvoir et n'ont pas reçu la clef ou l`interrupteur qui permet de faire passer le courant 12 ›› Je comprenais ce que Fools Crow voulait dire... Il nous est déjà arrivé à tous d'avoir réuni un ensemble d'informations sur une chose, puis de sembler incapable d`en tirer quoi que ce soit de valable. Nous avons beau y penser sans arrêt, il ne se passe rien. Puis, un jour, vient l'instant du « Aaah ! ›› où apparaît une lumière et nous voyons le chemin à prendre, alors tout démarre. Le pouvoir spirituel n'est donc pas une énergie omniprésente, c'est le moteur primordial ~ ces intuitions clefs qui nous sont données par Wakan Tanka et ses Auxiliaires. Alors, comment obtenir ces intuitions '.? Je demandai : « Que devons-nous faire pour obtenir ces clefs, ces inter- rupteurs ? - D'abord, nous nettoyer [purifier] rituellement avec de l'eau ou de la fumée, puis laisser Wakan Tanka nous transfor- mer en os propres lui permettant d'œuvrer en nous et par notre intermédiaire pour le bien d`autrui. Vous avez déjà vu des pipes bouchées par des saletés ou des dépôts minéraux. Les gens sont pareils, sauf que les dépôts sont ce que nous mettons en travers du chemin de Wakan Tanka quand nous lui demandons de nous aider. - Quelles sortes de choses mettons-nous en travers du che- min ? - Le doute, le sentiment de culpabilité, la réticence, la peur, l'égoïsme, vouloir dire à Wakan Tanka quand et comment l'ac- tion devrait être faite. - Vous dites que nous devons le faire pour le bien d`autrui. Ne peut-on le faire pour son propre bien ? Est-ce un tort de demander de l'aide pour des besoins personnels ?
- Bien sûr, nous demanderons de l'aide personnelle, mais notre raison doit être de vouloir recevoir de l'aide afin de pou- voir aider les autres. Notre demande ne doit rien comporter d'égoïste. Wakan Tanka souhaite que nous aidions les autres, et il a pris soin de nous quand les autres nous aident. C`est une démarche communautaire qui donne un groupe uni et fort dont la voix est plus puissante et plus susceptible d'être entendue par Wakan Tanka que ne le serait une voix isolée. Cette démarche procure plus de satisfaction personnelle que de se borner à essayer de s'aider soi-même. J'ai entendu à la radio une chan- son qui disait : “J'ai agi à mon idée." Il n`y a pas de quoi se sen- tir fier et la personne qui vit ainsi ne peut pas être heureuse très longtemps. Ceux qui vivent les uns pour les autres apprennent que l'amour est le lien de la parfaite unité. L`unité parfaite consiste à faire passer les autres avant soi-même. Et quand les autres vous font ensuite passer avant eux-mêmes, alors c'est l`amour parfait - l'unité parfaite - et plus personne n'a besoin de se soucier d`égalité. On dispose de quelque chose de bien mieux. En plus, on ne peut jamais obtenir l'égalité, parce que la personne dont on veut être l'égal ne reste pas là sans bouger à attendre d'être rattrapée. Le temps qu'on arrive, elle est déjà ailleurs. - Pour appeler en vous Wakan Tanka, les Personnes ou Grand-Mère Terre, comment faites-vous ? - Venez avec moi. ›› Il se munit d'un petit sac-médecine en tissu et d`un bocal d'un demi-litre tout en se levant pour me conduire vers le ruis- seau. Une fois arrivés, il remplit d'eau le bocal. Puis il prit son canif pour couper une branche de saule d'un demi-centimètre de diamètre et la tailla en une baguette d`environ trente centi- metres de long. Il en fit un petit cercle et lia ensemble les deux extrémités avec un ruban d'écorce. << Ce n'est pas ma seule manière d'appeler, dit-il. Je le fais aussi avec ma pipe et, lors de la danse du Soleil, avec des mor- ceaux de tissus de couleur. Mais quand je suis seul ici à la mai- son, ou bien à Bear Butte ou dans un autre lieu de quête, voilà comment je procède. ››
ll s`agenouilla sur l' herbe et degagea un espace de trente cen- timètres carrés sur le sol devant lui, puis cueillit une poignée de sauge qui poussait tout près et en recouvrit le carré dégagé. A chaque angle, il posa un morceau de feutre de couleur diffé- rente représentant les Personnes des quatre points cardinaux. Sur cet autel, il plaça le petit sac-médecine qu'il portait et l'ou- vrit : à l'intérieur se trouvaient six sachets en daim, contenant chacun une poudre de la couleur d'une des six directions. Il comprenait aussi plusieurs petites brosses, faites de bâtonnets écorcés aux extrémités en pointe. Il s'assit sur le sol, me jeta un coup d'œil pour s'assurer que j'observais soigneusement chaque détail, puis posa les deux mains sur ses genoux, la droite tenant le cercle, et la gauche ouverte en coupe pour recevoir les dons que, il en avait la certitude, Wakan Tanka et les Auxiliaires allaient lui envoyer. Il ferma les yeux, respira profondément sept fois pour se détendre et se préparer. Parce qu'il m'avait montré auparavant comment le faire, je savais qu'à chaque res- piration il visualisait l'air entrant par le bout de ses doigts, puis montant vers sa poitrine et, après une brève rétention, expirait en suivant sa descente dans l'abdomen, les jambes, les pieds et hors de son corps par l'extrémité des doigts de pieds. Apres la septième respiration, il se sentit complètement détendu, débar- rassé de toute distraction. C'était un moyen de s'isoler des intrus et des forces négatives, comme le font les Indiens pueblos avec du pollen ou des ficelles placées en travers des chemins d'en- trée pendant le déroulement des cérémonies dans leurs villages. Après avoir achevé ces respirations, il se mit à chanter dou- cement et des rides creusèrent son front tandis qu'il se concen- trait intensément pour appeler en lui Wakan Tanka et les Auxiliaires. Plusieurs minutes s'écoulèrent avant qu`il n'ouvrît les yeux. Puis il ramassa l'une des brosses, la trempa dans l'eau, mólangea la poudre rouge. Avec cette peinture, il traça un petit point rouge sur le cercle, puis il prit du jaune et y traça un petit point jaune. Je m'attendais à ce qu`il utilisât les couleurs des quatre points cardinaux en continuant avec le bleu et le vert, mais il n`en fit rien. Il lut ma pensee et tendit le cercle vers moi en disant : << J 'utilise le petit cercle pour me retirer et laisser la voie libre à Wakan Tanka et aux Auxiliaires. Sachant quels pouvoirs se trouvent dans chaque Direction, avec ma compréhension humaine je choisirais ceux qui me semblent correspondre le mieux à mon probleme. Mais je ne possede pas la sagesse de Wakan Tanka. Seuls lui et les Auxiliaires savent quel est réel- lement le meilleur pouvoir à envoyer pour chaque situation. Alors ils me le disent par l`intermédiaire du petit cercle en choi- sissant pour moi ; et quand je suis leurs directives, il ne s'écoule pas longtemps avant que je comprenne pourquoi ils ont choisi ces pouvoirs. ›› Je pris le cercle et l'examinai, mais j'avais encore besoin d'explications. « Et comment ont-ils procédé exactement, pour choisir ces Directions pour vous ? - Quand je ferme les yeux et chante, je roule un peu les yeux et regarde à l`intérieur de mon front. Un petit écran noir s`y forme et, quand je me concentre sur lui, je vois bientôt appa- raître des éclairs de couleur. Ils surgissent de diverses manières et à des moments différents. Stirrup m'a enseigné qu'il fallait me souvenir des deux premières couleurs que je voyais ou bien des deux plus brillantes. Ensuite je dois les peindre sur mon cercle : elles m'indiquent à quelles Directions je dois faire appel pour commencer ma quête de réponses. Wakan Tanka sait qu'avoir plus de deux Directions à invoquer peut être source de confusion. Si la couleur à retenir est différente de celles des Directions, de Wakan Tanka ou de Mère-Terre, alors c'est ma couleur :je sais que je suis censé regarder en moi-même, m`exa- miner et que c`est en partie le moyen de trouver la solution. - Est-ce la même chose qu`avoir une vision ? - Non. Mais c'est ce que j'appelle “la vue visionnaire". Je vous en dirai plus tard davantage sur ce sujet. - Le pouvoir vient-il des que vous peignez la couleur sur le cercle ? - Non. Wakan Tanka et les Auxiliaires ne viennent pas per- sonnellement, cependant le contact est établi avec eux. On pour- rait dire qu'ils ont décroché le téléphone et sont prêts à me par- ler. Mais le pouvoir ne se présente à moi et n'entre en action que lorsque je commence à utiliser les instruments de concen- tration, comme le cercle de médecine ou le cristal, que Wakan Tanka nous a donnés. Chacune des Puissances supérieures a son propre messager animal et, une fois que nous avons utilisé chaque instrument de concentration, ce messager nous trans- met un plein panier de dons porteurs de réponses. - Comment le pouvoir voyage-t-il ? Arrive-t-il sous forme de rayons de lumière, d'oiseau ? - Il me vient à travers ma Pipe. La Pipe est comme un tuyau d'arrosage qui me relie à la Source. Quand je pointe le tuyau de ma pipe vers une Personne, elle m'envoie ses pouvoirs par ce canal. Par exemple, les pouvoirs de la Personne du sud sont la naissance, la vie et la destinée. Quand j'ai besoin d'en savoir plus dans ces domaines pour résoudre un problème ou atteindre un but, elle m'envoie des informations sur la naissance, la vie et la destinée. Nous parlons de ces choses et elle me montre leur lien avec mon problème. Ensuite elle m`enseigne ce que je dois faire pour rendre cette information active. Pour ceux qui n'ont pas de pipe, les pouvoirs viennent à travers l'air. - Depuis quelque temps, dans le monde occidental, on parle beaucoup de ce que vous appelez des “instruments de concen- tration', mais on utilise en anglais l`expression focusing tools, “instruments de focalisation' au lieu de “concentration'. Voyez-vous un inconvénient à ce que je garde en anglais ce terme pour les lecteurs qui y sont habitués 13 ? - Ce sera washré [bien], dit-il. - Votre expression “instruments de concentration' désigne les rites anciens et les objets rituels individuels qui, au com- mencement, furent donnés à votre peuple ? - Les pensées aussi. Tout ce qui nous aide à nous concen- trer et nous entraîne de plus en plus profondément dans la conversation qui se déroule avec Wakan Tanka et les Auxiliaires est un instrument de concentration.
- Vous avez parlé de mettre le pouvoir en mouvement. Voulez-vous dire qu'il vient, mais que même si vous le rece- vez, il n'entre pas automatiquement en action .? - Oui. Même si nous recevons du pouvoir, il n`est pas spon- tanément actif. Il faut quelque chose de plus pour le mettre en mouvement. Nous devons montrer notre foi et notre engage- ment en faisant les choses que les Puissances supérieures nous ont enseignées. Nous commençons par informer les Puissances que nous sommes prêts à être leurs serviteurs auprès d'autrui. Cela, nous le faisons par la quête. A cette fin, nous préparons un lieu suivant la tradition ancienne, puis nous l'utilisons pour faire notre quête. En agissant ainsi, tout en utilisant l'un après l'autre différents instruments de concentration ou différentes pensées, nous marchons dans les voies anciennes. Chaque pen- sée ou instrument mène au suivant jusqu' à ce que le but de notre quête soit atteint. Marcher dans les voies anciennes, c'est ce que j`appelle notre “danse de vie", bien que la danse effective n'en soit qu`un aspect. Cette marche continue jusqu'à notre mort. L'important, c'est de laisser Wakan Tanka et les Auxiliaires nous conduire, puis d'attendre patiemment les réponses. Ils n`envoient pas toujours immédiatement les mes- sagers porteurs des dons de réponses. Parfois, il leur faut nous aider à nous préparer pour savoir reconnaître les réponses quand elles viendront et en faire le meilleur usage. ›› En réfléchissant à ce que Fools Crow m'avait dit, je saisis que la dynamique du pouvoir spirituel était tout simplement extraordinaire. Dans le rôle de serviteurs, nous ne devenons pas insignifiants : au contraire, quelque chose vient s'ajouter à cha- cune de nos facultés et qualités qui sont appelées à l'action. Notre potentiel est porté à son summum. Notre propre estime, ou sens de la valeur personnelle, s'élève jusqu'à son plus haut plan, puis le dépasse ! Fools Crow reçut de Stirrup, d' Iron Cloud, et directement de Wakan Tanka ainsi que des Auxiliaires, un large éventail de pensées et d' outils de concentration tangibles a utiliser dans sa tâche. D'innombrables moyens d'accomplir les choses lui furent donnés et il avait plus d'une ressource pour atteindre un but ou trouver une solution dans des situations individuelles. Dans des cas où d'autres personnes-médecine avaient échoué, il réussissait toujours, sans jamais ressentir d`ennui ou manquer d'y voir un défi à relever. ll reçut aussi de nombreux moyens d`emmagasiner du pouvoir. Chaque fois qu`il était seul, il s'oc- cupait à refaire le plein, à se << recharger >>. La nuit, ou le jour entre les séances thérapeutiques, il accomplissait les rites qui 1'emplissaient comme un os creux -il était ainsi toujours prêt à ce que le pouvoir soit dispensé à travers lui. 14 Pour résumer ce qui vient d'être dit sur le pouvoir, il avait été enseigné à Fools Crow que nous recevons chacun à notre naissance un pouvoir naturel, mais que nous sommes aussi entourés par un pouvoir spirituel, surnaturel- c'est la connais- sance spirituelle, qui inclut la connaissance nécessaire pour obtenir le pouvoir et le mettre en mouvement. Tous les êtres humains sont dotés d'un pouvoir naturel, mais si nous voulons aller plus loin et que soient accomplies en nous et à travers nous des merveilles spirituelles - atteindre à la transcendance pour effectuer des guérisons, être libérés de la peur ou répandre la fertilité en toutes choses - nous devons nous en remettre à Wakan Tanka, à Grand-Mere Terre et aux Personnes des quatre Directions, puis appeler en nous leur pouvoir spirituel. Quand nous avons établi le contact, nous pouvons leur demander d'en- voyer leurs pouvoirs spirituels respectifs, qui s`ajouteront à nos pouvoirs naturels. Après quoi, nous recevons la connaissance nécessaire pour comprendre ce qui nous a été donné, ceci
incluant les voies que nous devons suivre afin de mettre le pou- voir en mouvement. Le processus permettant de recevoir le pouvoir comporte plusieurs phases : premièrement, nous purifier ; deuxiemement, devenir un tube propre à travers lequel les Puissances supé- rieures pourront agir ; troisièmement, utiliser les instmments de concentration afin de marcher dans les voies anciennes où nous serons guidés et recevrons des moyens d'atteindre les buts souhaités ; et quatrièmement, dispenser ce pouvoir à d'autres. A mesure que tout ceci s' accomplit, nous entrons dans une danse spirituelle de vie qui dure jusqu`à notre mort. Gardons à l'es- prit que, dans l`idéal, cette danse est un phénomène réciproque auquel chacun participe - ainsi, nous nous servons les uns les autres. Grâce à ce partage, il est pris soin de tout le monde. Le processus est le même que dans la “cérémonie des dons' sioux, où une personne ou une famille, en deuil ou souhaitant expri- mer sa gratitude, donne pratiquement tout ce qu°elle possède à des familles de la communauté qui sont dans le besoin. Les donateurs devraient en conséquence se retrouver complètement démunis, or c'est le contraire qui se produit. La tradition se poursuit avec d`autres familles qui effectuent des cérémonies de dons procurant de nouveau le nécessaire au premier dona- teur. ll en résulte une communauté unie et interdépendante dans laquelle chacun sait que sa sécurité essentielle est garantie. Les cérémonies de dons existent encore dans les réserves, bien qu'elles ne soient pas aussi universellement pratiquées qu°au- trefois. Parmi les traditionalistes, ce concept demeure fort et s'exprime là où on s'y attend le moins. Récemment, j'ai été invité à passer une soirée avec les Indiens de la prison de Leavenworth dans le Kansas ; leur plus grand désir, me confièrent-ils, était que le directeur leur permît de faire des céré- monies de dons. Leurs possessions matérielles étant très limi- tées, je suppose qu'ils avaient l`intention de se donner les uns aux autres selon ce rite leurs encouragements et leur soutien. Fools Crow serait le premier à applaudir a cette idée.
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| | | raphaël
Messages : 1563 Date d'inscription : 03/04/2008
| Sujet: Re: Sagesse et Pouvoir Ven 1 Nov - 16:28 | |
| 4 HARMONIE
« Mais les poètes, ces très anciens spécialistes du haut vol en paroles, possèdent une autre aptitude qui exalte leur pouvoir au-delà même de la faculté contemporaine qu'ils ont toujours eue d`influencer les esprits. Ils sont doués en plus d'une sensi- bilité sumaturelle aux vastes étendues temporelles du passé et de l`avenir. Ils sondent la vie aussi loin que le biologiste molé- culaire, si ce n'est plus, parce qu'ils touchent la vie même et non sa structure particulière ››, écrit Loren Eiseley . 15
Il aurait pu aussi bien parler des Indiens, car nombre d'entre eux, et notamment les personnes-médecine, furent des poètes. Leurs chants, leurs prières, leurs formules de prières, sont expri- mées avec poésie et ils ont aussi appris à vivre simultanément dans le passé, le présent et le futur. J 'appelle leur dimension du temps l'« Age intemporel ›› - terme emprunté à Philip Bruno, un ami personnel - parce qu'il n`est pas limité par une époque ou une autre. Tous les temps y fusionnent. Il est incorrect d'ap- peler « New Age ›› (Nouvel Age) les traditions des Indiens d`Amérique, car elles n'en font pas partie. Il se trouve simple- ment que, depuis des milliers d'années, les Indiens pratiquent les choses avec lesquelles s'identifient aujourd'hui les adeptes du Nouvel Age, qui se sentent donc un lien avec eux. On
comprend alors que ces adeptes gravitent autour des rites et de la pensée rituelle des Indiens, bien que l'inverse ne soit pas vrai, car, dans l'ensemble, les Indiens ne participent pas au Nouvel Age. De même, la vie traditionnelle indienne ne peut être soumise aux limites de l`Age Ancien. Car même si les rites demeurent inchangés et si le pouvoir est mis en mouvement quand ils sont accomplis selon la tradition, les Indiens, qui observent les choses à travers le regard des Puissances supérieures, ont la pos- sibilité d'utiliser les rites sacrés pour répondre aux besoins de l'époque actuelle 16 . Le passé est ainsi constamment lié au présent, et tous deux sont liés au futur parce qu`ils sont orientés vers le futur et le rendent possible. Passé et présent nous font réfléchir à la pré- paration du futur. Chaque fois que le cercle est formé, ou qu`un rite se déroule dans un cercle, les trois temps y sont inclus. << Nos enfants, dit Fools Crow, sont nous dans le demain de la vie. En eux, nous demeurons ici, et il en sera de même avec les enfants de leurs enfants - si le monde survit. - Cette idée va-t-elle plus loin que faire la liaison entre les temps ? demandai-je. - La liaison entre les temps nous a appris à penser en fonc- tion de la liaison entre de nombreuses choses. Mental, corps et esprit sont liés ensembles. On ne peut considérer l'un sans les autres. Les Puissances supérieures, la personne-médecine et la communauté sont liées ensemble. Penser selon cette dimension nous empêche de devenir étroits et égocentriques. Au contraire, cette perspective élargit l`esprit, le rend plus vaste. ››
Fools Crow, c'est évident, comprenait mieux que la plupart des gens la nécessité de ces concepts ; il l'exprimait clairement dans sa prière d'action de grâces en quatre parties, qu'il faisait en déposant de la nourriture dans le sol après les repas, chaque fois qu'il achevait un rite, lors des soins thérapeutiques, et à la lin de toutes ses prières personnelles. D`habitude, il chantait les versets de la prière, mais parfois il la récitait en silence. Par le chant ou par le silence, elle différait cependant de ses autres chants car c'est celle qu'il faisait le plus souvent et les paroles changeaient un peu d`un chant à l`autre. Généralement, elle se traduisait ainsi : << Wakan Tanka, je te remercie pour nos ancêtres - pour la vie qu'ils ont donnée à chacun de nous, pour les traditions qu'ils ont préservées et nous ont transmises. << Wakan Tanka, je te remercie pour ma vie et l`occasion qu'elle m'a donnée de te connaître, de te servir et servir notre peuple. Continue à faire de moi une personne responsable, aide- moi à ajouter encore aux bonnes choses que toi et mes ancêtres m`avez données. « Wakan Tanka, je te remercie pour ceux qui sont encore à venir et prendront la relève là où nous nous arrêterons. Aide- les à préserver la vie traditionnelle pour la génération qui vient après eux et à continuer ainsi à faire tourner le cercle. « Enfin, Wakan Tanka, je te remercie pour mes amis qui sont ici présents afin de partager ce précieux moment. Je te prie de les bénir et d'être toujours avec eux. ›>
Ce que je viens de dire sur l`Age intemporel, Fools Crow ne me l'a pas confié pendant un moment << paumes levées ›› - c'est- à-dire en me demandant d'arrêter le magnétophone -, mais c'est une chose que je n`avais pas encore révélée. Je le fais mainte- nant parce que j'ai constaté dans sa vie le résultat de cette atti- tude profonde - le sens de l'unité et de la fraternité qu'elle entraîne, et comment cette conscience s`élargit pour embrasser l`ensemble de la création, si bien que chaque partie de celle-ci devient une << sœur ›› ou un << frère >> pleins de vie. Elle s'étend jusqu'à embrasser l'environnement et l'écologie. Elle consti- tue l`ingrédient essentiel de l`harmonie dans le monde. J ' ai vu cette même unité exprimée par les Apaches quand ils forment des groupes et se tiennent par le bras pour danser à l`unisson et en harmonie avec l'adolescente pubère lors de sa cérémonie du Soleil Levant. J 'ai vu les Cherokees l'exprimer aujourd'hui lors de leurs danses rythmées quand, à un moment, ils forment une file unique, l'un derrière l'autre, puis dansent en s'avançant tous ensemble un court instant et posent doucement leurs mains sur les épaules de celui qui les précède. Fools Crow l'exprimait dans sa vie quotidienne. Et son atti- tude concernant l'interrelation de toute chose était une autre manière d'éprouver ce sentiment profond d'appartenance, de lieu, de contentement et de paix - il définissait cette dernière comme l'« absence de peur ››. Seuls les Indiens qui ont perdu leurs attaches culturelles n'ont aucun sens de lieu ou de centre. Les traditionalistes possèdent encore ces fondements et l'har- monie intérieure ainsi ressentie augmente leur longévité. Fools Crow vécut jusqu'à l'âge de quatre-vingt-dix-neuf ans. Black Elk, quatre-vingt-dix. Le père de Fools Crow, Eagle Bear, mou- rut à quatre-vingt-dix-huit ans. Même au début du siècle, alors que l'espérance de vie était bien plus courte qu'aujourd'hui, les hommes-médecine qui ont fourni ã Frances Densmore ses infor- mations' avaient tous la soixantaine et davantage. << Wakan Tanka vous a-t-il donné un moyen pour concentrer mm-; esprit sur votre relation avec le reste de la création ? >› demandai-je à Fools Crow. Maintenant, ses paumes étaient levées. << Devenir, répondit-il. - Comment faites-vous ? - Stirrup m'a appris à tenir un objet dans ma main et à le devenir. S'il est trop gros pour tenir dans mes mains, alors Je le tiens dans mon cœur. ›› J 'attendis pendant qu'il se penchait pour ramasser une petite pierre grise. Il la tint dans sa paume ouverte et l'examina atten- tivement tout en continuant à parler.
« Wakan Tanka et Grand-Mere Terre ont donné à toutes choses la vie. Ceci inclut les pierres, les arbres, l`eau et le sol sur lequel nous marchons. Et, de même que les gens, les ani- maux, les oiseaux, les insectes et les créatures de la mer ont en eux du sang, toutes les autres choses ont des pensées, des sen- sations, des soucis et des espoirs.
- Que faites-vous pour devenir quelque chose comme une pierre ? - Je lui parle comme à une personne, et je laisse la pierre me parler. Elle me dit d'où elle vient, ce qu'elle a vu, ce qu'elle a entendu et ce qu'elle ressent. Nous devenons amis. Quand nous avons fini, j'ai une image toute neuve de cette pierre. Ce processus élargit mon comportement envers les pierres et envers les autres créatures, et mon esprit croît. Plus je pratique ce “devenir', plus ma sagesse sur toute chose augmente. ››
Par la suite, j'allais apprendre que Fools Crow poussait encore plus loin la pratique du « devenir ››. Chaque fois qu'il accomplissait un rite, il prenait un objet qu'il utilisait et le pres- sait contre sa poitrine. Quand je lui demandai pourquoi il agis- sait ainsi, il répondit qu'il devenait cet objet et s'identifiait à lui afin d'en faire l'expérience et de le comprendre à fond. En dehors des implications évidentes de ce geste, ce qui me pas- sionnait, c`était de savoir que chez les Navajos, ce type de rela- tion était le principe essentiel de leurs méthodes de thérapies par les peintures de sable. Pendant que l'homme-médecine navajo, appelé « chanteur >›, presse différentes parties de la pein- ture sur le corps du patient, ce dernier s'identifie aux pouvoirs qu'elle représente et reçoit un sens plus intense de la vie et de la longévité propres au monde surnaturel. En d'autres termes, parce que le patient le croit, la longévité lui est transmise et cette thérapie produit un effet profond sur son système d'autoguéri- son.
<< Pensez-vous qu'une pierre ou la terre aient des sensations ?
- Si tout ce qui a été créé est essentiel pour la vie, l`équi- libre et l'harmonie, alors elles en ont. Cela dépend de votre manière de penser et de définir la vie. Si vous croyez qu`une chose a de la vie, alors elle a de la vie. C'est ainsi que Wakan Tanka nous a enseigné comment penser à la création ; quand nous le faisons, la vie que toutes les choses possèdent en elles- mêmes nous devient apparente et nous les traitons en consé- quence. Nous n'en abusons pas, nous n'en faisons pas un mau- vais usage. Il est différent de marcher sur une chose que vous pensez dénuée de vie ou de sensations, et de marcher dessus si vous pensez qu'elle en a. Chaque jour, je prie pour la santé et la guérison de toute la création, et pas seulement pour l'huma- nité. Je demande aussi à Wakan Tanka et aux Auxiliaires de m'aider à marcher sur Grand-Mere Terre avec compassion et compréhension pour tout ce qui existe 17 . - Marchez-vous sur les fourmis - Pas si je peux l'éviter. Parfois, je ne les aperçois qu'après eu avoir piétiné quelques-unes. - Et si elles viennent dans votre maison et s`en prennent à la nourriture ? - Je leur mets un peu de nourriture dehors à un autre endroit et essaie de les faire partir. - Si elles ignorent cet appât et continuent à venir ? - Wakan Tanka ne nous donne pas le droit de dominer les autres créatures et elles n`ont pas le droit de nous dominer. - Alors vous en tuez quelques-unes ? - Je fais ce que je dois pour les faire partir de la maison. - J'ai lu que, sans les fourmis, le reste de la création aurait de gros ennuis... - C'est vrai, pour tout, acquiesça Fools Crow en hochant la tête. Un fait que je n'ai pas mentionné à propos des autres créa- tures, c'est qu'elles font naturellement ce qu“elles font. Nous, nous le faisons par choix. Les animaux, oiseaux et autres, tuent parce que c'est naturel pour eux. Nous, nous tuons la plupart du temps non parce que nous en avons besoin, mais parce que nous le voulons. ››
En réfléchissant aux remarques de Fools Crow, elles me rap- pelèrent la « révérence envers la vie ›› d`Albert Schweitzer. Je n'ai jamais su s'il voulait dire que nous devrions révérer toute chose vivante, ou que la vie humaine elle-même dépend de notre maniere de traiter la vie des autres. Peut-être les deux. Quoi qu'il en soit, Fools Crow allait plus loin que Schweitzer, puis- qu'il croyait que notre sentiment de révérence devait s'appli-
quer à toute la création, ce qui incluait le monde animé et le monde inanimé.
<< Etes-vous conscient des terribles problèmes d'environne- ment qui frappent aujourd'hui la planète ? demandai-je. - Les gens m'en parlent et, partout où je vais, je vois de la pollution et des déchets. Même mon propre peuple a abandonné ses voies anciennes et participe aujourd'hui à ce désastre. - Est-il possible de guérir le monde ? - Avec Wakan Tanka, tout est possible. Et sans Lui, rien. Les gens ne font pas ce qui leur serait vraiment profitable - ainsi en va la nature humaine, qui est le pouvoir naturel sans l'apport du pouvoir spirituel qui nous entoure 18 . - Si cette guérison était possible, comment et où commen- cerait-elle ? - Par l'autoguérison. Chacun doit d'abord laisser Wakan Tanka et les Auxiliaires le guérir, afin de savoir comment se produit la guérison. A partir de soi, cette compréhension peut ensuite être communiquée au reste de la création. Jadis, les gens savaient le faire, mais ils ont oublié ces moyens. Nous pouvons être des os creux pour guérir le monde, tout comme nous pou- vons l'être pour nous guérir les uns les autres et nous aider.
- Les êtres humains sont-ils entièrement responsables de tous les maux actuels de notre monde ? « Seuls les hommes ont le pouvoir de déséquilibrer la Terre et, quand il déséquilibrent la Terre, ils se déséquilibrent eux- mêmes. C'est comme ce machin que les Aborigènes australiens lancent et qui leur revient [le boomerang] Wakan Tanka a créé la Terre de manière à ce qu'elle fasse tout pour prendre soin d'elle-même. Toute chose a son rôle - les fourmis, les vers, les vautours, les cailloux, le sable... Quand nous endommageons
l'une d' elles ou la terre même, nous nous endommageons. Nous ne pouvons les épuiser, les gaspiller ou les détruire sans payer un prix terrible pour ces actes. Mais c`est ce que font certains, et cela retombe sur nous tous. Grand-Mère Terre en crie. Elle secoue le sol [tremblements de terre] de plus en plus pour nous dire ce qu'elle ressent et attirer notre attention. Wakan Tanka m` a dit que l'Etre-Tonnerre enverrait de vastes inondations pour nous montrer le grand nettoyage que les hommes doivent effec- tuer en eux-mêmes. Nos enfants pleureront pour cela plus que nous et selon Wakan Tanka leurs pleurs dureront longtemps et retentiront très fort.
- Vous avez déclaré que Wakan Tanka ne nous punit pas. Dans ce cas, comment pouvez-vous concevoir que les catas- trophes naturelles nous enseignent quelque chose ? Pensez-vous que si tout le monde avait la foi et priait, il n'y aurait plus ni tremblements de terre ni inondations ? ››
Ma question ne plut pas à Fools Crow et je vis sur son visage qu`il caressait l' idée de ne pas y répondre. Un moment, je me demandai si sa position était bien le fruit d' une mûre réflexion. J 'avais tort. Il avait seulement besoin de temps.
<< Dans le Jardin d`Eden, il n'y avait pas de tremblement de terre, dit-il, mais Wakan Tanka a changé tout cela. Depuis, il s'est toujours produit des catastrophes naturelles. - Alors, quel est le message pour nous ? - Ne dresse pas ton tipi dans le lit d'une rivière ni sur le flanc d'un volcan ! ››
Dans nos conversations ultérieures sur le pouvoir en tant que pouvoir naturel donné à chacun, Fools Crow me fit bien com- prendre que, sans l'addition du pouvoir spirituel, la tendance de l'homme est d`employer son pouvoir naturel pour son propre profit. Et s'il accomplit des choses remarquables sur le plan ter- restre, il a néanmoins tendance à subordonner le reste de la créa- tion et a en faire un usage erroné. Jusqu'ã ce que, bien sûr, il s' aperçoive enfin qu' il a engendré un monstre qui s' est retoumé contre lui et va bientôt le dévorer. Les Puissances supérieures enseignent à celui qui reçoit un pouvoir spirituel a ne pas agir ainsi. Nous sommes obligés de reconnaître que Fools Crow a plus que jamais raison, car nous subissons aujourd'hui les consé- quences de nos mauvais agissements. Ces conséquences nous menacent, nous environnent de toutes parts et touchent notre vie quotidienne 19 . Quand eut lieu la première Journée de la Terre, il y a une vingtaine d'années, le scientifique Barry Commoner nous alerta en dénonçant le prix affreux que notre développe- ment technologique coûtait à l'environnement. Dans un livre récent, Making Peace With the Planet (Faire la paix avec la pla- nète), il passe en revue les vastes efforts déployés pour maîtri- ser les dommages et nous montre pourquoi, malgré les milliards de dollars dépensés pour sauver l'environnement, nous nous trouvons actuellement dans une période plus dangereuse que jamais - << la pollution de l' environnement est une maladie incu- rable ››, déclare-t-il. Il semblait naguère que nous pouvions réel- lement sauver la Terre grâce au recyclage, au contrôle de la pol- lution et à l`énergie solaire, une révolution semblait s'amorcer, mais nous sommes très loin d'avoir atteint les résultats escomp- tés. Les tentatives ont été peu enthousiastes, le gouvemement s'est lourdement trompé dans ses estimations et l'industrie pri- vée s'est délibérément opposée au changement. Les tares dont parle Commoner n'ont pas cessé. Et le fait que nous ayons eu besoin de célébrer une Journée de la Terre aux Etats-Unis le 22 avril 1990 en plus d'une Journée inter- nationale de la Terre le 5 juin 1990 constitue un embarrassant témoignage de notre échec. Quant aux résultats effectifs de la Journée de la Terre, le jury ne pourra se prononcer avant un cer- tain temps. Des initiatives individuelles et l`industrie privée semblent maintenant relever le flambeau.
L'humanité n'est pas supérieure au reste de la création et ne possède pour la domi- ner ou en abuser aucun droit inaliénable ou divin. Au contraire, nous ne représentons qu'une partie d`un gigantesque réseau arachnéen dont les fils, se soutenant les uns les autres, confè- rent leur force à l'ensemble. Chaque fil est donc responsable du reste et envers le reste. Lorsque nous n`assumons pas notre part du fardeau, ou bien lorsque nous abusons d'une autre partie ou la détruisons, ces actes blessent, quelquefois irrémédiablement, toutes les autres parties et, souvent, entraînent un déséquilibre de la vie totalement inattendu.
Dans Silent Spring (Printemps silencieux), Rachel Carson nous confronte à ce spectre mena- çant quand, en une succession de paragraphes marquant l'es- prit comme au fer rouge, elle expose en toute clarté comment, alors qu'aucune personne compétente ne prétend que les mala- dies transmises par les insectes devraient être ignorées, « la question qui se pose maintenant de toute urgence est de savoir s'il est sage ou responsable de s'attaquer au problème avec des méthodes qui le font rapidement empirer. Le monde a beaucoup entendu parler du combat triomphal mené contre les maladies grâce au contrôle des insectes vecteurs d'infections, mais fort peu du revers de l'histoire - les défaites, les triomphes éphé- mères qui étayent maintenant l'avis alarmant que nos efforts ont en fait renforcé les défenses de l' insecte ennemi. Pire encore, nous avons peut-être détruit nos moyens mêmes de com- battre 20 . ›› En écrivant ces phrases, je ne peux m'empécher de penser qu'une compréhension aussi incisive et aussi rare que celle de Fools Crow dans ces domaines était née dans l'esprit d'un homme qui ne lisait l'anglais qu'avec grande difficulté. Il ne lisait ni livres, ni revues, ni journaux et ne possédait pas de télé- vision. Cette dernière était un luxe qu' il partageait, souvent avec une certaine appréhension, chez quelqu'un d'autre, dans un motel ou quelque lieu public. Il n'était pas allé à l'école com- munale. Il disait qu'il ne parlait pas anglais, mais voulait ainsi indiquer qu'il ne le parlait pas couramment. Son vocabulaire
était limité et il se tournait vers moi pour la définition de cer- tains mots, mais il avait toujours une idée claire de ce qui était dit. Au fil des années, il apprit assez d'anglais pour ne pas se laisser manœuvrer - comme le découvrait rapidement tout poli- ticien tentant de l`induire en erreur. C'est seulement sur la base de ces quelques détails qu' il serait justifié de le décrire comme un homme sans instruction. Or, dans sa jeunesse, il avait voyagé très loin de chez lui, à New York, au Canada, et même en Europe. Plus tard, il avait encore fait quelques voyages et s'était rendu à Washington. Il avait été l'invité d'émissions de radio et de télévision. Il pos- sédait aussi de grandes facultés d`assimilation et d`analyse. D'autres Lakotas et des amis non indiens le tenaient assez bien informé sur les événements de l'actualité, et plus spécialement sur ce qui se passait dans les réserves sioux. ll participait aux réunions tribales, réunissait des conseils, allait à des confé- rences inter-tribales. De temps à autre, il avait une radio, mais ne la gardait jamais longtemps, car chaque fois quelqu'un la lui prenait pour la vendre. Cependant, la sagesse qui a vraiment de l` importance, vous disait-il, vient des Puissances supérieures - parfois directement, parfois indirectement. Etant donné l'0euvre ile sa vie, cette affirmation me paraît difficile à contester. Laquelle de ses techniques éducatives pouvons-nous utili- ser pour entamer le renouveau de la pensée et le réveil de l`hu- manité ? J “avais accompagné Fools Crow un matin où, comme il le faisait souvent, il était allé s'adresser à une classe d`enfants dans une école primaire locale. Il leur parla de l'héritage cul- turel, de la morale, de l'éducation et de la responsabilité, puis quand il eut fini, les enfants sortirent en récréation. Fools Crow et moi traversions la cour pour regagner ma voiture quand une douzaine de fillettes et de garçons vinrent entourer « grand-pa ›› et tirèrent sur son pantalon pour l'arrêter. « Apprends-nous des choses ››, lui demandèrent-ils en s'asseyant vite a ses pieds. De toute évidence, ce n'était pas la première fois qu'ils le faisaient. ll leur sourit, tout en ramassant un caillou qu'il tendit vers eux dans la paume de sa main. « Parle aux enfants ›>, dit-il en lakota au caillou. D'une voix de fausset, comme un ventriloque,
émis un mélange de lakota et d'anglais, il se mit à le faire vivre pour eux. Son nom, semblait-il, était Aigle Rapide et il le pré- senta solennellement à chacun des enfants. Aigle Rapide avait milles sortes de choses à leur raconter sur ce qu'il avait vu au cours des siècles et ce qu'il en pensait ~ surtout sur l`époque où les bisons parcouraient en masse les Grandes Plaines et où les Sioux suivaient leurs troupeaux. Bientôt, trente gamins capti- vés furent assis à ses pieds. La récréation et les jeux étaient bien oubliés et, quand la cloche sonna, aucun des enfants ne voulut retoumei' en classe. Mais Fools Crow leur fit au revoir de la main et nous pour- suivîmes notre chemin j usqu'à la voiture. Là, il se tourna vers moi : « Si seulement nos adolescents pouvaient écouter comme eux. Mais maintenant, ça ne les intéresse plus. L'avenir leur semble trop morne, ils pensent que ça ne vaut pas la peine de faire des efforts pour tenter de changer . ›> Malgré tout, « devenir ›› est un moyen plein de charme pour présenter à des enfants l'idée, et le besoin, de vivre en harmo- nie avec le reste de la création. D'ailleurs, cela marche bien aussi avec les adultes ; j'ai fait avec eux beaucoup de « deve- nir ›› très réussis.
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| | | raphaël
Messages : 1563 Date d'inscription : 03/04/2008
| Sujet: Re: Sagesse et Pouvoir Ven 1 Nov - 16:29 | |
| 5 L'ÉCRAN MENTAL
Un après-midi, comme nous parlions de la sagesse des saints hommes et des hommes-médecine d`Amérique, je demandai à « Frank, d`où tenez-vous toutes ces connaissances remar- quables ? Avez-vous reçu des intuitions profondes que les autres n'ont pas reçues ? ›› Il leva les deux mains, paumes dressées. J'arrêtai le magné- tophone et pris mon carnet. Avec une hâte inutile, car il cligna plusieurs fois des yeux, se frotta les mains, se toitilla légère- ment tout en me regardant. Plusieurs minutes s'écoulèrent. Je connaissais la raison de cette attitude : il n'aimait pas l'idée que quiconque puisse le prendre pour un homme exceptionnel. Finalement, il se décida. « Je n'ai rien reçu que les autres ne puissent obtenir. Mes ancêtres savaient tous comment faire des rêves sacrés. Toutes sortes de choses étranges et belles survenaient dans ces rêves, des choses qui ne pourraient jamais avoir lieu dans la vie ordi- naire. Des êtres étranges apparaissaient et des créatures de tout genre, aux formes impressionnantes, surgissaient. Ces visiteurs s'adressaient aux rêveurs et leur transmettaient des messages. Ces demiers apprenaient ainsi qui allaient être leurs Auxiliaires, ce que Wakan Tanka voulait qu'ils fassent et comment Il les aiderait à le faire. Ils apprenaient aussi, et c`est peut-être le plus important, à voir les choses à travers le regard des Puissances supérieures. C'étaient les personnes-médecine qui faisaient les rêves les plus forts, les plus impressionnants, et parfois les plus effrayants. - Pourquoi pensez-vous que les rêves des personnes-méde- cine étaient plus puissants que ceux des autres ? Comme je vous l'ai déjà dit, mais je vais le répéter, par leur nature et leur mode de vie, ces gens étaient pleinement ouverts à Wakan Tanka et aux Auxiliaires. lls avaient encore autre chose de spécial. La plupart de leurs rêves de médecine ne leur semblaient pas des rêves, mais plutôt des choses qui se passaient dans la réalité, puisque, souvent, ils ne donnaient pas quand survenaient les rêves. Nous le savons parce que les récits de ces rêves se sont transmis ; certains furent même rapportés à des Blancs qui les ont relatés dans des livres. J 'ai entendu les histoires de ces rêves auprès de nos aînés et des amis m'ont lu quelques récits écrits. Certains de mes rêves et de mes visions se sont passés pour moi dans la réalité, si bien que je peux affirmer avoir vraiment fait telle ou telle chose, quelle que soit la singularité de l'événement. Cependant, un point n`a jamais été révélé aux étrangers : la maniere dont ces rêves se produi- Sent. ›› Cette derniere remarque me fit m'avancer sur le bord de ma chaise. Je sentais que j`étais sur le point d'apprendre quelque chose d'extrêmement spécial. Je demandai : « Et c'est ce don des rêves qui explique vos intuitions excep- tionnelles ? - Pas toutes, mais la majorité. Et je dois vous indiquer aussi que je donne un autre nom à mes rêves. Je les appelle “voir en visionnaire', et je vais vous dire comment ils se produisent. Wakan Tanka et les Auxiliaires m`ont appris à voir avec mon esprit, à toucher avec mes yeux et à décider avec mon cœur. ›› C`était magnifique... Et tandis qu`il m`expliquait ce mode de vision, naquit en moi la sensation profonde de ce qu'était vraiment le Vieux Seigneur des saints hommes dans tout son amour et sa sensibilité. « Pourquoi voyez-vous avec votre esprit plutôt qu'avec vos yeux `? dcmandai-je. - Parce que, répondit-il, l'esprit peut voir plus loin que l'œiI physique. Il peut voir ce qu'un appareil photo ne peut voir. ll peut voir au-delà des barrières physiques et même à l'intérieur d`une personne. L' œil de l' esprit change notre manière de juger les choses. - Comment ? - Quand nous voyons avec notre esprit, nous ne jugeons pas les gens ou les situations d'après les apparences. Une personne peut ne pas être belle extérieurement mais, intérieurement, elle le sera. Et quand nous servons d`os creux à Wakan Tanka et aux Auxiliaires, nous apprenons à voir les choses sous un jour nou- veau et magique, à regarder les gens et les situations sous dif- férents angles. La vue visionnaire, c'est laisser les Puissances vous montrer les choses à travers leur regard. On se prive de merveilles en ne sachant pas reconnaître que c'est possible. - Où avez-vous appris ce mode de vision ? - Iron Cloud me l'a enseigné, et mon père, Eagle Bear, savait aussi le faire. - Voir à travers le regard des Puissances supérieures, en quoi cela change-t-il les choses pour vous '.? - Les Puissances n`ont pas nos limites. Elles voient comme une unité le passé, le présent et l'avenir. Elles savent aussi ce qui se passe dans l'esprit et le cœur des êtres et, si l'on suit tel ou tel chemin, où il mènera. Quand nous prions et écoutons, quand nous utilisons les instruments de concentration, les Puissances supérieures peuvent nous montrer ces connaissances et augmenter notre sagesse. - Pouvez-vous me donner quelques exemples de ce qui se passe quand vous pratiquez ce “regard' ? - Wakan Tanka et les Auxiliaires jettent sur les choses une lumière spirituelle afin que je puisse les voir telles qu'elles sont réellement. Vous avez déjà remarqué comment le soleil éclaire la Terre pendant le jour, et comme les choses semblent autres sous une lumière différente. C'est ce que les Puissances supé- rieures font pour moi dans le domaine spirituel. Cette lumière repousse aussi l'obscurité et me montre ce qui est là. Elle m'aide à marcher autour des choses et à les voir de différents points de
vue - devant, derrière et des deux côtés. Je distingue des cou- leurs nouvelles et sens ce qui se passe autour de moi. Puis je ferme les yeux et attends que les images se forment sur mon écran mental. Je continue jusqu'à ce que toute l`informati0n se rassemble d'une façon que je puisse utiliser. Ensuite, je me concentre encore plus fort jusqu'à ce que l'image finale soit bien imprimée dans ma mémoire. Quelquefois, je pleure devant la beauté de ces visions. Les choses ordinaires deviennent extra- ordinaires. Ce qui n'est rien pour une autre personne m'appa- raît comme une merveille et un chemin passionnant à suivre. - On dirait que, grâce à cette vue visionnaire, Wakan Tanka et les Auxiliaires agrandissent votre esprit et le remplissent de manière prodigieuse. - Wakan Tanka et les Auxiliaires m'ont aidé à percevoir des choses que ne peut discerner l'œil physique. Je peux voir et sen- tir des choses qui échappent a la plupart des autres personnes. Des images me viennent à l`esprit et, bientôt, je trouve de nou- velles perspectives pour aborder les situations et des moyens de tout changer autour de moi. C'est très utile quand j'effectue des guérisons physiques ou spirituelles. Quand je suis seul la nuit ou entre les traitements thérapeutiques, la vue visionnaire est l'une des choses que je pratique. Grâce à cette vision, Wakan Tanka et les Auxiliaires me rendent capable de surmonter les obstacles suscités par la maladie ou les pouvoirs maléfiques. Et Ils me procurent différents moyens de les surmonter. Ainsi, ce qui serait autrement impossible devient possible. - C'est donc comme s`Ils inversaient mentalement les choses pour vous. - Ils me montrent comment voir les choses selon différentes perspectives, quel est le moyen le plus efficace dans chaque situation donnée. En retournant ces infonnations dans ma tête, je deviens plus créatif, plus fertile. Mais je ne m'investis pas trop dans les petits détails -je me concentre sur l'image géné- rale. - Ainsi, une grande part personnelle entre dans ce que vous faites.
- Être un petit os creux ne signifie pas que je n'ai aucune importance pour Wakan Tanka et les Auxiliaires. Au contraire, Ils me donnent toujours l'occasion d'utiliser mes capacités et mes talents. Ceci est vrai pour quiconque les sert. Vingt hommes-médecine traiteront une personne de vingt manières légèrement différentes et c'est un aspect fascinant de l`activité de guérison physique ou spirituelle. Nous répondons tous de façon différente à Wakan Tanka et agissons selon notre manière d' entendre et de sentir ses directives. Je vous le dis pour le livre, afin que vous puissiez l'enseigner à d'autres. Dans leur relation personnelle avec les Puissances supérieures, d'autres personnes n`utiliseront pas les instruments de concentration tout-à-fait comme moi. La première fois, elles essaieront peut-être de faire exactement pareil, et encore la fois suivante. Mais ensuite, elles vont remodeler leur action jusqu'à ce qu'elle soit parfaitement intégrée et devienne leur processus personnel en communion avec les Puissances supérieures. Quand les résultats souhaités sont atteints, elles n' ont pas à demander comment cela s'est pro- duit ou si cela a été fait comme je l'aurais fait. Elles doivent simplement l'accepter et être contentes. ›> Devant ces révélations de Fools Crow, je ne pus d'abord que hocher la tête avec un sentiment d'admiration. Puis je continuai : << Vous avez parlé de toucher avec vos yeux. Comment faites- vous ? - J'utilise mes yeux pour toucher avec amour et douceur. Quand je pleure pour quelqu'un, je le touche avec mes yeux. On peut en savoir beaucoup sur une personne en regardant dans ses yeux et on peut dire à quelqu°un avec les yeux des choses qu`on ne peut exprimer avec des mots. Les yeux révèlent la franchise ou la fausseté. Ils m'apprennent ce que ressent vrai- ment une personne à mon égard. On peut déceler nombre de maladies dans les yeux des gens quand on sait regarder. Quand j`effectue des soins de guérison, je communique ma foi à la per- sonne en la lui envoyant à travers mon regard. Nous établissons un contact et, si elle n'a pas encore assez de foi, ce qu'elle voit en moi au fil des jours deviendra sien. C'est un de mes moyens pour faire entrer son esprit dans le mien afin qu`elle puisse voir ce que Wakan Tanka et les Auxiliaires me montrent. Je vous l'ai déjà dit, c'est la première chose que je dois faire pour réus- sir à les soigner. - Les yeux ont-ils encore un autre usage particulier ? - Ils nous servent à toucher la nature et à apprendre à son contact en observant les saisons, les cieux, les vents, l'herbe, les lacs et les rivières. Nous constatons qu'un grand lac n`est jamais immobile, alors qu' un petit lac devient comme un miroir. Les nuages prennent des formes diverses, aux multiples res- semblances, et ils changent sans cesse. Nos ancêtres virent leur premier tipi dans une feuille de peuplier de Virginie. Nous appli- quons ces leçons pour comprendre les gens et toute chose. Même cligner des yeux en regardant une chose changera ce que nous y voyons. La manière dont les gens se tiennent assis ou debout, marchent, dansent, peut nous en dire beaucoup sur eux. Avec les années, j'ai appris à voir avec mon cerveau en com- prenant mes plus intimes pensées sur Wakan Tanka et les gens, puis à sentir avec mes yeux et, enfin, à laisser mon cœur me dire comment être juste et quels chemins suivre. - Pourquoi décidez-vous avec votre cœur et non avec votre esprit ? - Si je décide avec mon esprit, je suis influencé par toutes sortes de pensées qui se combattent. Si j'essaie de décider avec mes yeux, même si je vois avec amour, il est difficile de ne pas être influencé par ce que je vois devant moi - l'apparence des personnes, leurs actes, leurs réactions. Si je décide avec mon coeur, mon jugement n'est jamais dur. Mon cœur tient compte des choses qui ont blessé les gens - ce qu'ils ont dû endurer rien que pour demeurer en vie et sains d`esprit. Ceci, je suppose, peut s`appliquer à la majorité des hommes à travers le monde. Mon coeur pense à l'équité, au bien-être et à l'espoir. C'est comme le coeur de Wakan Tanka, qui accepte d“agir en nous et à travers nous en tant qu'os creux, même si aucun de nous ne mérite un si grand honneur. ›› J 'acquiesçai de la tête en me rappelant le jour où j'étais allé chez lui et avais vu que neuf personnes y vivaient à ses cro- chets, utilisant toute sa nourriture, ses couvertures, ses meubles
et son bois pour le feu. Certains des hommes buvaient et per- sonne ne bougeait le petit doigt pour aider. Cas fréquent : ils étaient tout simplement venus s`installer chez lui. Je demandai à Fool Crow pourquoi il ne les fichait pas dehors. << Kate pleu- rerait, et je ne pourrais pas le supporter >› fut sa réponse. « Vous n'avez pas mentionné les oreilles, le nez et la bouche, fis-je remarquer. Ne jouent-ils aucun rôle important dans votre vue visionnaire ? - Si, mais pas de la même manière. Quand la vue vision- naire se fait avec mon esprit, mes yeux et mon coeur, je vois par les yeux des Puissances supérieures et non comme le font ceux qui n'ont que le pouvoir naturel. C'est en général l`inverse de ce que voient les êtres humains, parce que nous sommes tous influencés par nos motifs et nos désirs. - Alors, que fait le nez ? - À part ce que fait habituellement un nez, par exemple res- pirer, il réveille nos souvenirs, il agit donc comme une malle au trésor qui nous relie au passé. A tout ce que nous faisons sont associées des odeurs. Wakan Tanka en a couvert la Terre et nous en combinons beaucoup pour en produire davantage : les suaves, comme celle de la glycérie et de la sauge, sont protec- trices en ce sens qu'elles écartent le mal, comme lorsqu'elles sont en contact avec des choses amères. Ainsi nous portons sur nous de la sauge pendant la danse du Soleil pour attirer les Puissances supérieures qui aiment cette plante et pour écarter tout ce qui pourrait nuire à notre action. Les odeurs peuvent aussi éveiller nos sensations, notre volonté et notre faculté d'in- vention. Elles apportent une atmosphère de mystères et de choses anciennes, et elles suscitent nos émotions. - Et les oreilles ? - Tout ce qui existe a un son, répondit Fools Crow, et quand les choses passent à côté les unes des autres, il se crée même un son entre elles. C'est ainsi que naît la musique. Wakan Tanka, Grand-Mère Terre et les autres Auxiliaires se servent de sons pour communiquer avec nous - quelquefois en paroles, mais plus souvent en poussant notre esprit et notre coeur à penser aux choses spirituelles. Grand-Mère Terre nous parle à travers le
tambour. Les hochets sont la douce voix de Wakan Tanka qui envoie sur Terre des pluies de bénédictions. Les flûtes sont les multiples voix des Personnes aux différents Points Cardinaux. Le tonnerre est la voix puissante des êtres des nuages. C'est aux oreilles que les rochers parlent en premier et, à travers les oreilles, au mental, à l`esprit et au coeur. Tous les beaux sons qui existent déjà ou qui naissent sont des créations de Wakan Tanka et, comme pour toutes les autres beautés qu'Il a créées, ll ne peut pas leur résister : Il ne peut s'empêcher de s'en appro- cher quand nous les utilisons. Nous savons qu'Il est là et par- tage avec nous cette sensation. ››
Fools Crow ne connaissait pas le fonctionnement biologique des hémisphères cérébraux droit et gauche, mais par cette pra- tique de la vue visionnaire, il avait acquis un mode de vie fai- sant naturellement appel à Fhémisphère droit. Voir en vision- naire, selon lui, c`est comme ouvrir une porte, mais pour connaître les merveilles qui sont dans la belle piece magique de l'autre côté, il faut franchir le seuil. Il ajouta que, même arri- vés dans cette pièce, si nous voulons voir, nous devons << croire pour voir ›› - c'est essentiel - et non suivre la démarche scientifique de « voir pour croire ››. << Sinon, demanda Fools Crow, comment Wakan Tanka et les Auxiliaires pourraient-ils nous montrer leurs merveilles ? >› Et la bouche, au fait... << La bouche, dit Fools Crow, est ce qui nous permet de goûter, de manger et de communiquer... mais c'est aussi ce qui nous attire des ennuis ! ››
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| | | raphaël
Messages : 1563 Date d'inscription : 03/04/2008
| Sujet: Re: Sagesse et Pouvoir Ven 1 Nov - 16:30 | |
| 7 Les lumières de la sagesse
Dans L'Homme-médecine des Sioux, j'expose presque tout Ce que m'a expliqué Fools Crow sur ses actions dans la loge de punfication, que beaucoup connaissent sous le nom de « loge de sudation ››. Ce premier livre décrivait comment il guéris- sait quand le patient était présent et comment il faisait en son absence. Est egalement relaté un rite stupéfiant où des pierres placees froides dans le foyer devinrent rouges et brûlantes quand il cracha dessus une certaine plantez. Mais ces récits omettaient de dire comment Fools Crow pou- vait accomplir des phénomènes aussi étonnants, et pourquoi ses actes dans la loge de purification surpassent ceux de la plupart des autres personnes-médecine. Je dis seulement « la plupart ›› et retiens la possibilité qu`il en soit autrement parce que je n'ai aucun moyen de savoir ce que tous les hommes-médecine accomplissent dans leurs loges. Je serais ravi d'apprendre que certains peuvent atteindre ou même dépasser ce que Wakan Tanka a réalisé en Fools Crow et par son intermédiaire. Néan- moins, je sais que Fools Crow reçut des intuitions concernant lu loge de purificatioii qui, d'après mon expérience personnel lc, n`ont jamais été égalées, et qui augmentaient encore plus le pou- voir éveillé et mis en mouvement à travers lui. Comme nous nous entretenions de la loge de purification, je lui demandai : « La plupart des Indiens semblent penser que l'intérieur de la loge représente soit la matrice de Grand-Mère Terre soit l' uni- vers. Est-ce cela qui vous a été enseigné ? - Cela, et plus, répondit-il en mettant ses mains paumes levées. Wakan Tanka m'a enseigné durant une de mes quêtes de la vision ce qu'est la loge de purification. C'est bien plus qu'une structure de saule en forme de dôme. Sa véritable forme est celle d'une boule, dont la moitié inférieure est sous le sol. Quand la partie au-dessus du sol est terminée et recouverte, et tout le nécessaire -la sauge et les autres objets que j'utilise - placé à l`intérieur, la loge devient la demeure de Wakan Tanka et de Tunkashila au-dessus, de Grand-Mère Terre au-dessous, et des Personnes dans les quatre Directions. Ainsi, quand j'entre à l' intérieur et fais mon rite, je suis assis sur le grand plan de la Terre au centre des Puissances supérieures. - Cela ressemble beaucoup à votre description du moment où vous êtes entouré par le pouvoir. - Oui, répondit-il en traçaiit un diagramme sur le sol pour mieux exprimer sa pensée, mais à une grosse différence près. Quand je suis entouré par les Puissances supérieures, j'appelle en moi leurs pouvoirs. Mais quand je suis dans une enceinte close avec les Puissances supérieures, je peux me rendre là où elles sont et aller les voir. » Fools Crow révéla cela sans esquisser le moindre signe déno- tant l'importance de son affirmation. Aucun mouvement d'épaule ou du visage ne suggéra non plus que je devrais en douter. Il était simplement assis là et attendait que je continue. << Comment allez-vous les voir ? demandai-je. - Wakan Tanka m'a donné le pouvoir de me rendre en esprit Ià où Elles sont, j'y vais et leur parle. - Le faites-vous pendant que d'autres sont présents dans la loge de purification ? - Non, sauf Kate, qui m'aide en apportant à l'intérieur les pierres chauffées sur le foyer dehors, et reste ensuite tout près parce ce qu'elle sait ce qui se passe pour moi. ›› Cette dernière remarque retint toute mon attention, mais je décidai d`attendre ; il me l'expliquerait quand il le souhaiterait. « En quoi ce que vous faites dans le voyage en esprit est-il différent d'envoyer ou de recevoir des informations par l`in- termédiaire de la fumée et de messagers individuels servant les Personnes de chaque Direction ? - C'est un face à face. Je les vois. - Vous les voyez ? fis-je avec surprise en me rappelant que selon la`Bible, nul ne pouvait regarder Dieu en face sans en mourir. A quoi ressemblent-Elles ? - A des lumières, répondit-il placidement, puis il attendit que ces paroles pénètrent dans mon esprit. - Des lumières, murmurai-je en me calant dans ma chaise. Vous m'avez indiqué tout à l'heure que Joe Ashley vous avait dit à quoi ressemblait Dieu et que cette idée vous convenait. Est-ce cela que Joe a dit 21 ? - Joe n'a pas voyagé en esprit, répondit Fools Crow, mais ce qu'il m'a dit était proche de ce que j'ai vu. - Toutes les lumières sont-elles de la même couleur ? - Non. Wakan Tanka est une énorme lumière blanche, Tunkashila une énorme lumière bleue, et Grand-Mère Terre une grosse lumière verte. Chaque Personne est de la couleur de son propre point cardinal 22. ››
J 'essayai d'absorber cette réponse tandis que Fools Crow continuait : « Vous voulez savoir comment je peux rendre visite à une lumière.
- Oui. - Je lui parle, et une voix émanant de cette lumière me répond. Chaque voix possède sa qualité particulière, de sorte que, si je l'entendais ailleurs, je pourrais probablement savoir qui me parle 23 . - La première fois que vous êtes allé les voir, vous ont-Elles dit qui Elles étaient ? - Non. Je l`ai su d'après leurs couleurs. - De quel genre de choses parlez-vous ? - De choses qui m'aident à voir et à comprendre ce qui se passe dans le monde et ce qui arrivera dans l'avenir. Elles me disent aussi ce que je devrais faire à ce sujet et me donnent la faculté de prophétiser. - Vous parlent-Elles de sujets spécifiques, ou seulement de choses générales ? - Habituellement, de choses générales. - Des choses qui concernent le monde entier, ou juste les Sioux tetons ? - Qui concernent surtout les miens, mais elles m`informent aussi sur le reste du monde. - De quoi parlez-vous avec Grand-Mère Terre ? - Des problèmes de pollution et de ce que nous pouvons faire pour sauver la Terre. - Donc, Grand-Mère Terre se soucie aussi de son bien- être... ›› Fools Crow hocha la tête avec gravité, puis continua : « Elle sent les choses, tout comme nous - aussi, pour la réconforter, je la remercie constamment de nous procurer la nourriture, l`eau et les plantes dont nous avons besoin pour sur- vivre. , - Evoquez-vous encore d'autres sujets avec les autres Lumières ?
- Mes visions. Elles m'aident à les interpréter, de même que les visions et les rêves de personnes avec lesquelles j'effectue des cérémonies. ›› Cette réponse m'incita à poser une question annexe : << Procédez-vous à une vue visionnaire pour interpréter les visions des suppliants que vous accompagnez pendant leur quête à Bear Butte ? - Oui, et aussi pour interpréter les rêves que font les gens de mon peuple dans leur vie ordinaire. - Et quand faites-vous ces voyages en esprit ? Est-ce chaque fois que vous êtes seul dans la loge de purification ? - Pas chaque fois, ni même la plupart du temps. Ces voyages sont des présents spéciaux des Puissances supérieures et se pro- duisent en général pendant un événement important ou juste après. Je suis là dans la loge et reçois des invitations de Wakan Tanka et des Auxiliaires, pas de tous en même temps, mais peut-être de un ou deux, .. . ceux qui veulent me parler. Ils obser- vent, et savent quand j'en ai besoin. - Comment viennent les invitations ? - Par l'interrnédiaire des pierres chaudes dans le foyer. Elles me parlent et m'apportent des messages des Puissances supé- rieures. - Et comment voyagez-vous de la loge jusqu'au lieu où Elles sont ? - Je secoue mon hochet et chante mon chant. Puis je pose le hochet et presse mes bras, coudes pliés, contre mes flancs. Les yeux fermés et les mains en coupe, je me concentre le plus fort possible sur l'idée de mon être s'élevant dans les airs. Je commence à trembler et je martèle le sol de mes pieds. Bientôt, je me sens prêt à m'envoler comme un aigle dans l'espace. En fait, cela ressemble peut-être plutôt au lancement d'une fusée au moment où elle décolle de sa rampe. Très vite, je sens mon corps s'effondrer, et je sens et vois mon esprit le quitter. Mon esprit a la même apparence que moi, exactement comme quand je suis dans mon corps, et j'ai le même âge. Je m'élève, tou- jours plus haut, jusqu'au lieu où se trouve la Personne que je vais voir. Cela ne me prend que quelques secondes pour y arri-
ver, pourtant je me vois dépasser en flèche les oiseaux, puis les nuages, puis les planètes et les étoiles. Je traverse même ce que l'homme blanc appelle la Voie lactée. - Alors les Personnes, bien qu'Elles vous entourent à l'in- térieur de la loge, sont cependant à une distance très lointaine 24 .? - Il faut comprendre que, malgré sa petitesse - environ un mètre vingt de haut et deux mètres cinquante de diamètre -, la loge devient aussi vaste que l'univers. Je ne me sens pas enfermé, en fait je n'ai conscience d`aucun mur. C'est comme si je flottais dans l'espace. C'est une sensation merveilleuse et j'aimeraís que tout le monde puisse en faire Fexpérience. Plus personne alors ne nierait l'existence de Wakan Tanka ! - Mais à quelle vitesse voyagez-vous... ? - Je vais plus vite que les fusées. J “ai entendu parler de la vitesse de la lumière et ce que je fais ressemble davantage à ça ›>, dit-il en s'appliquant une tape enthousiaste sur la jambe. L' instant suivant, le calme succéda à cette hilarité et une dou- ceur passa dans son regard. << En réalité, dit-il, ce voyage en esprit a effrayé mes deux femmes. >› Il savait que cette remarque attirerait mon attention et il atten- dit que je demande : << Pourquoi ? - Parce que je m'évanouis quand je voyage en esprit, et je reste inconscient jusqu'à ce que mon esprit revienne dans mon corps. Quelquefoís, cette absence peut durer deux jours. Fannie et Kate devaient rester avec moi et veiller sur moi pendant ce temps ; elles m'ont dit qu'elles avaient parfois craint que je ne sois mort 25.
- Êtes-vous conscient du temps quand vous êtes hors de votre corps ? - Non. - Voyez-vous, comme Black Elk quand il voyageait en esprit, vos ancêtres camper dans une belle région céleste ? - Non. - Y a-t-il quelqu'un avec les Puissances quand vous allez les voir ? - Non. Tout ce que je vois, ce sont les Lumières. - Attribuez-vous les guérisons que vous faites dans la loge de purification à votre faculté de voyager en esprit ? - Les pierres dans le foyer me sont données dans ce but. Elles me fournissent tous les renseignements utiles sur la per- sonne que je soigne et me disent aussi que faire pour l'aider. - Aucune chose ne semble être à elle seule la réponse à tout... - C'est parce que Wakan Tanka a eu la sagesse de rendre la vie intéressante et pleine de défis. Qu`en serait-il s`il n'existait qu'une manière de faire les choses ? Avec Wakan Tanka, la vie est une perpétuelle aventure qui nous livre toujours de nouveaux trésors. Elle ne devient jamais terne et, si elle commence à l'être, Il nous présente de nouveaux défis et de nouveaux chemins. C'est pourquoi les gens n'ont pas besoin de drogues pour trou- ver quelque chose de passionnant. Avec Lui et les Auxiliaires, il y en a toujours largement assez. - Est-ce pour cela que vous utilisez la loge de purification dans certains soins et des méthodes différentes dans d'autres ? - Oui, et Wakan Tanka et les Auxiliaires prennent ces déci- sions pour moi. Ils connaissent le coeur et l`esprit de chaque patient, ainsi que le moyen qui, pour chacun, l' atteindra le mieux et sera le plus efficace. Les hommes et femmes-médecine n'ont pas besoin de se préoccuper de ces choix parce que, en géné-
ral, le pouvoir leur est donné de soigner seulement une mala- die. Ils utilisent donc continuellement le même rite et le même remède. Il en est de même dans le rite du Yuwipi. Mais Wakan Tanka s'est servi de moi pour guérir de nombreux maux phy- siques et spirituels. Vous l`avez vu de vos propres yeux. Les seules choses qui me posent encore des problèmes sont les cas de maladies qui se sont trop aggravées ou ceux que je n'ai jamais rencontrés auparavant. ›› Je comprenais ce que voulait dire Fools Crow. Des recherches m'ont montré qu'avant l'arrivée des Blancs, les hommes-médecine indiens étaient capables de guérir avec une efficacité remarquable les maladies et les blessures qui leur étaient familières et dont ils avaient eu quelques années pour maîtriser le traitement. Mais lorsque des maladies - comme la variole - furent apportées par les Européens et se propagèrent parmi la population, les guérisseurs furent pris de court et, en désespoir de cause, recoururent souvent a des traitements qu'ils avaient employés pour d'autres maladies mais qui eurent les pires résultats. Il suffit de lire les rapports effrayants faisant état de la rapidité avec laquelle ces horreurs frappèrent les Indiens pour comprendre que les hommes-médecine n'eurent pas le temps de faire appel à Wakan Tanka et de se préparer. Les mala- dies déferlèrent sur eux comme les flots dévastateurs d'une inondation, décimant les Indiens par milliers. Ce processus de nécessaire familiarisation fut le même pour Fools Crow, quoique moins brutal, et ce ne fut pas avant un âge déjà avancé qu'il se sentit suffisamment assuré pour entreprendre le traite- ment de maladies autrefois peu connues des Indiens - comme le cancer, le diabète, les maladies cardiaques, les difformités ou les maladies mentales. << Le voyage en esprit va sembler un phénomène ahurissant pour nombre de mes lecteurs. Devrais-je leur dire qu'eux aussi sont capables de le faire ? demandai-je. - Bien sûr, répondit-il avec vivacité. Mais ils n'y parvien- dront sans doute pas avant d'avoir essayé plusieurs fois. Du moins pas avant que Wakan Tanka et les Auxiliaires ne les trou- vent prêts. Ciest un don très spécial -je l`ai déjà dit- et il faut
le mériter. Il m' a fallu attendre que je sois un saint homme expé- rimenté pour qu'il se manifeste enfin en moi. ›› Tout en passant à d' autres sujets, je hochai encore la tête avec stupéfaction. Le voyage en esprit était pour moi du domaine du fantastique. Je demandai : « Vous m`avez montré comment vous pouvez chauffer les pierres dans la loge de purification sans qu'elles aient été aupa- ravant passées au feu. Je sais qu`une plante spéciale vous a été donnée à mâcher et à cracher sur les pierres pour les rendre brû- lantes. Faites-vous pour cela quelque chose de plus ? ›› De nouveau, ses paumes étaient levées. « Je chante un chant pour informer Wakan Tanka que je suis prêt pour que se produise une chose que personne ne voudra croire. Je vous l'aí déjà dit, pour le croire, même mon oncle Black Elk dut venir le constater de ses propres yeux pendant que je chauffais les pierres 26. ~ Quel est le dessein véritable de ce don stupéfiant au-delà de ce que vous m'avez déjà dit. Vous ne l`associez pas à la gué- rison, n'est-ce pas ? - C'est une preuve tangible de la manière dont Wakan Tanka bénit les personnes saintes qui acceptent de vouer toute leur existence à être ses petits os creux. Ceux à qui vous direz cela, s'ils acceptent de vivre comme je l'ai fait, recevront leur propre bénédiction - peut-être pas la faculté de chauffer les pierres, mais quelque chose de semblable. Les pierres et la médecine qui les chauffe, c'est une chose très spéciale entre Wakan Tanka et moi. C'est pourquoi je n`ai laissé que quelques amis intimes, dont vous, me voir le faire. ›› Ce fut un privilège inestimable, et un moment que je n'ou- blierai jamais - le genre de phénomène que nul ne croira à moins de le voir de ses propres yeux. C'était véritablement marcher sur l'eau. Mes pensées vaguèrent dans le passé vers la nuit impressionnante où j'en avais été témoin dans la loge de purification et Fools Crow s'éclaircit la voix avec un raclement
de gorge pour me ramener au présent. Avec un sourire confus, je demandai : « Faites-vous autre chose dans la loge de purification dont vous aimeriez me parler ? ›› Il se frotta le menton et les joues quelques instants, puis ouvrit tout grand les yeux et déclara avec un grognement ponctué d'un geste affirmatif de la main droite : « Hmmtn. Quelquefois, Wakan Tanka m'aide à bien me regarder. ~ Comment donc ? demandai-je. - ll peut lire dans mon coeur, mon esprit et mon âme. Il sait ainsi ce qui se passe en moi et n'ignore pas que j'ai besoin moi aussi de le savoir, alors ll m'a donné un moyen de l`apprendre. - L'introspection nécessite-t-elle le voyage en esprit ou les pierres parlantes ? - Non. Il m'a donné un chant à chanter tandis que, les yeux fermés, je pense à moi-même. Quand j'ai fini le chant, j'ouvre les yeux et vois ma propre image assise de l'autre côté de la loge, face à moi. La seule lumiere provient des pierres rou- geoyantes, qui baigne l`image d'une lueur rouge et la rend un peu floue, comme une ombre. Elle est simplement assise la et me regarde aussi. Je la fixe, et ce que je vois m'en dit parfois plus que je ne souhaite savoir et admettre. Je vois si je fais quoi que ce soit qui risquerait d'entraver l'action de Wakan Tanka et des Auxiliaires, si je les soutiens, si je suis un bon reflet d`eux pour les autres. Vous pensez peut-être que cet examen ne m'est pas nécessaire, mais si. J'ai mes faiblesses humaines comme tout le monde. Ceux qui s'estiment au-dessus de ce besoin se trompent et, un jour - peut-être trop tard pour en tirer parti - ils .seront obligés d'y faire face. - Comment les autres sont-ils censés le faire ? Doivent-ils utiliser une loge de purificatiori ? - C'est le meilleur moyen, mais j'en ai reçu un autre pour le faire, simplement en traçant une ligne devant moi sur le sol, puis en mettant [projetant] mon image de l'autre côté, face à moi. Il faut le faire dans une lumière douce, cependant, et près des charbons rougeoyants d'un feu.
- Le chant, vous ne me l'avez pas chante. ›› Il regarda au loin et ses yeux s`embuèrent quand il com- mença a chanter.
Grands Êtres, Ayez pitié de moi. Aidez-moi à me regarder avec honnêteté. La verite vient. Elle rne fait mal. Je suis content. Vous pouvez me rendre meilleur
Dallas avait écouté avec beaucoup d`attention. Après avoir traduit le chant, il se leva et s'en alla jusqu`au cercle de la danse du Soleil situé à l`ouest de la maison de Fools Crow. Je l'y rejoi- gnis. « Je suis un fervent catholique, m`avoua-t-il avec un soupir. Il fait des actions sacramentelles, et il est aussi catholique. Mais il n'a pas appris ce genre de chose à l'église. Il aurait pu, cepen- dant ... C'est ce que nous appelons l'acte de contrition, et après vient la pénitence. Mais il ne se confesse pas et ne fait pas péni- tence. Il n'est pas d`accord avec cette idée et ne l'associe pas au percement dans la danse du Soleil. Le percement est l'action de grâces, pas la penitence. Mais il sait, il sait... ›› Toutes les merveilles ne m'avaient pas encore été révélées. Autre chose allait venir, et la marche sur l'eau continuait. Un autre jour, Fools Crow s'assit, paumes levées, et dit : « Je vais vous confier une chose que personne d'autre ne sait, pas même Kate. Afin d'être un bon chef, qui agit avec sagesse, j`ai besoin de savoir exactement ce qui se passe parmi les miens. Aussi, quelquefois, quand je suis seul dans la loge ~ je ne sais jamais d`avance quand cela se produira et rien ne m'en pré- vient - Wakan Tanka me transforme en oiseau, en chien ou en chat, puis m'envoie sous cette forme à Kyle, Pine Ridge ou ailleurs et, là, je peux voler ou marcher tranquillement parmi les gens pour voir ce qu'ils font et entendre ce qu'ils disent. Je peux même entrer dans leurs maisons et ils penseront que je suis juste un animal errant. Plus tard, quand je les rencontre et
leur dis ce qu'ils faisaient et disaient, ils sont étonnés. Quand les nôtres de l'A.I.M. (American Indian Movement 27 ) occu- paient bravement Wounded Knee, je suis allé treize fois leur parler. Mais une fois, alors que la situation était très tendue parce que des coups de feu avaient été tirés, le F.B.I. refusa de me laisser entrer. Alors je me suis retiré dans ma loge, j'ai demandé à Wakan Tanka de me transformer en chien et je me suis pro- mené parmi les résistants pour voir s'ils allaient bien. Cela, je n'en ai parlé à personne d'autre 28. - La distance que vous pouvez franchir sous ces formes est- elle limitée ? - Oui. Je ne peux aller que parmi mon peuple. ›› Il ajouta avec un petit rire : « J `aimerais bien pouvoir me rendre à la Maison Blanche et apprendre ce que fait le Président, ou me glisser dans les cou- lisses où les députés du Congres et les gens du B.I.A. organi- sent leurs plans. Comme ça, je saurais comment les déjouer et comment nous pouvons rentrer en possession de nos Black Hills sacrées ! ›› Je partageai son amusement, puis demandai : « Le jour où, alors que nous étions ensemble, vous avez su soudain que quelque chose de terrible était arrivé à des Indiens
de Pine Ridge et me l'avez dit (des coups de feu furent tirer entre des indiens et des agents du F.B.l., tuant deux agents et un Jeune Indien), vous n' etiez pourtant pas parti. Comment le saviez-vous ? - J'ai fait si souvent ces voyages que j'ai développé la faculté de sentir ce genre de choses. C'est encore un don que recevrons tous ceux qui servent Wakan Tanka. Je possède aussi quelque chose de plus - les pierres dans mon bras et ma main gauches, et celle dans mon dos. Elles bougent pour me dire quand des ennuis se produisent et elles jouent un rôle spécial dans les rites de la loge de purification (d'autres informations sur ces pierres sont donnees au chapitre ll et dans L'Homme'- medecine des Sioux 29).
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| | | raphaël
Messages : 1563 Date d'inscription : 03/04/2008
| Sujet: Re: Sagesse et Pouvoir Ven 1 Nov - 16:32 | |
| 8 NUAGES BLANCS
Il fut enseigné à Fools Crow que Wakan Tanka se soucie des besoins des hommes, et non de leur luxe. Si nous voulons du luxe, il nous a donné à la naissance le pouvoir de travailler pour l'obtenir. Après que les prêtres lui eurent parlé des récits de la Genèse, Fools Crow comprit également ceci : l'arbre de la connaissance du bien et du mal nous avertit que le bien repré- sente pour nous et notre relation avec Wakan Tanka une menace aussi grande que le mal. « Quand la vie est trop bonne, dit Fools Crow, nous avons une trop haute opinion de nous-mêmes et des bénédictions reçues. Alors nous décidons que nous sommes les plus sages, les favorisés, et croyons ne plus avoir besoin de Wakan Tanka et des Auxiliaires. ››
En l'entendant, je me souvins du double rôle joué par les clowns des Pueblos, et aussi par les « contraires ›› des Indiens des Plaines qui faisaient tout à l'envers. Les clowns pueblos ont la responsabilité de réconforter les gens quand ils sont dépri- més, mais aussi de les << ramener sur terre ›› quand ils com- mencent à penser trop de bien d`eux-mêmes. Dans les contextes qui viennent d'être mentionnés, « attirer par charme ›> faisait partie des différents dons des Indiens d' Amérique et c' était autrefois une de leurs pratiques courantes.
10
GRANDE COMMENT ?
Quand Fools Crow me déclara : « Tout le monde ne peut pas être guéri physiquement, mais tout le monde peut être guéri spi- rituellement >›, Je savais ce qu il voulait dire, car j' avais entendu les hommes-medecine d' autres tribus exprimer cette idée. Toutefois, comme pour ses autres paroles, je tenais à ce qu'il confirme qu' il entendait bien la même chose. « Pourquoi faites-vous une distinction entre guérir physi- quement et spirituellement '? En quoi les deux guérisons diffe- rent-elles ? demandai-je. - La guérison physique, répondit-il, est spirituelle, mais pas de la meme maniere que la guérison spirituelle. Les gens meu- rent. Tout`le monde n' est pas gueri physiquement. Je n' ai pas demande a Wakan Tanka pourquoi il en est ainsi. Je sais aussi qu' ll ne retire pas une personne de ce monde. Cela le rendrait responsable de toutes les morts, y compris des morts tragiques. S' il lui semble, quelles que soient ses raisons, qu'une personne ne peut pas, ou ne devrait pas, etre guérie physiquement. Il déci- dera peut-etre de ne pas intervenir pour changer la situation. Il laisse simplement la personne venir à lui. D`autre part, il y a des circonstances où Il décide effectivement d' intervenir pour que le patient reste en vie. La mon, cependant, n'est pas une mauvaise chose, puisque après nous partons demeurer pour tou- jours avec Wakan Tanka. En fait, c'est ce pour quoi nous
sommes nés, nés pour mourir, car la mort est en réalité le com- mencement de la grande vie qu`ll nous réserve. - Vous m' avez déja dit que, dans vos visions, vous avez appris qu' apres la mort toute personne entre dans l'un ou l' autre des trois esprits et y demeure jusqu' au jour du jugement demier, où Wakan Tanka séparera les personnes spirituelles des non spi- rituelles. Les spirituelles iront dans un lieu heureux et les autres suivront un chemin où elles souffriront tout le temps 30 . Qu' en- tendez-vous par souffrir, qu'est-ce qui vous a été montré à pro- pos de la souffrance ? ›› Fools Crow serra les lèvres et elles bougèrent à peine quand il répondit << J' ai dit que les gens s`infligeaient leurs propres punitions ici sur Terre. Cela pourrait suffire pour satisfaire Wakan Tanka. Mais je ne le blâmerai pas s` il ferme vraiment la porte devant eux. Par leur manière de penser et de lui toumer le dos, ils le méritent. - Que signifie une porte fermée ? - l'esprit de la personne morte errera à jamais sans nul lieu où se poser. De temps à autre, elle passera pres des gens heu- reux qui sont avec Wakan Tanka et verra ce qu'elle a manqué. - Cela ressemble un peu à l' idée du purgatoire dans le catho- lieisme, fis-je remarquer en me demandant si sa conception n' en venait pas. Cette idée est plus ancienne que l' arrivée des robes noires,
répondit-il, mais j'espere tout de même que les esprits nerre- ront pas à jamais. En tout cas, comme les horloges n' existent pas là-bas, ce sera différent pour eux de ce qui se passe sur Terre. - Et la guérison spirituelle, qu' est-ce que c'est ? - La guérison spirituelle est purement spirituelle et sert à aider une personne à être en ordre avec Wakan Tanka. Si la mort survient, la personne peut alors mourir paisiblement, sans en éprouver de colère ou de ressentiment. Elle apprend grace aux
rites de guérison spirituelle à penser en fonction de la qualit! de la vic plutôt que de sa quantité. La guérison spirituelle efll un don inestimable qui peut être offert à quiconque est prêt l Faccepter. - On dirait quand même que Wakan Tanka fait un choix, en ce qui conceme la vie ou la mon d`une personne. - Wakan Tanka et Tunkashila, répondit Fools Crow avec fermeté, se soucient plus de la survie de la nation que de celle de l'individu. C'est pourquoi, lors des danses du Soleil, nous mettons la possibilité d'une guérison physique ou spirituelle à la disposition de tous ceux qui souhaitent la recevoir. Les dan- seurs deviennent des os creux durant les quatre jours de la danse et ils posent leurs mains sur ces personnes pour leur communi- quer le pouvoir de guérison physique ou spirituelle qui les u remplis pendant qu'i1s dansaient leurs prières. Ils répandent lu force et l'espoir afin que notre nation ressente une élévation intérieure et ait la volonté de se perpétuer dans l'avenir. Une personne isolée ne peut assurer cette continuation, mais une nation guérie et unie le peut 31 . - Quelle est l'importance de la foi dans le processus de gué- rison physique ? - Sans la foi, elle ne se produira pas pour nous dans sa plus grande dimension. › Mais des incroyants sont guéris tous les jours, objectai-je. - Le corps est une chose étonnante, répliqua Fools Crow avec un accent inébranlable au fond de la voix. Wakan Tanka
l'a fait de telle maniere que la plupart des maladies se gueriront sans l'aide d'une personne-médecine si les gens attendaient un peu leurs maladies partieraient toutes seules mais ils s'impatientent, s'effraient et savent qu'une personne-medecine ou un médecin blanc peuvent accelerer la guerison en leur donnant quelque chose qui poussera le corps à faire ce dont il est capable
Vous a-t-on enseigné que l'esprit est responsable de nombres de nos maladies?
Je sais que la manière de penser d'une personne peut rendre son corps malade et peut aussi lui redonner la santé Mais cecie ne vaut pas pour toutes les sortes de maladies... par exemple pas pour les maladies contagieuses, les os cassés ou les blessures telles que les brulures très graves
Elles surviennent malgré ce que nous pensons
Des Blancs venus me voir ont dit que nous pouvons éviter les rhumes et la pneumonie rien qu'en les écartant par la force de la pensée ce moyen peut marcher quelquefois parce que grâce à cette pensée, ceux qui y croient feront plus attention dans leur vie mais tôt ou tard ils attraperont un rhume dans cette réserve beaucoup d'entre nous sont morts de pneumonie c'est ainsi que j'ai perdu mes enfants
L'équilibre également est important pour la santé si nous gardons l'équilibre en tout , nous sommes en harmonie et en paix avec nous -mêmes peut-être l'équilibre est ce qu'il y a de mieux au monde pour combattre la maladie
- mieux que Wakan Tanka et les Auxiliaires?
- Non, j'ai dit au monde ils entourent le monde
Fools Crow rejetait toute suggestion indiquant que les remèdes employés par les Sioux étaient obtenus par tâtonne- ments. Pour lui, cela revenait à admettre que le mieux que Wakan Tanka puisse faire pour les êtres humains, c'est de les laisser se débrouiller avec leurs propres systèmes, ou que peut- être, en réalité, il n'y a de toute façon aucune << Puissance ›› pour aider les hommes ; c'eût été admettre en somme que Wakan Tanka existe uniquement dans l'imagination de peuples primi- tifs et superstitieux. En outre, un processus de tâtonnements signifierait qu'Il ne se soucie pas assez des êtres qu'Il a créés pour les guider au cours des siècles, et qu'Il se contente de les laisser souffrir et mourir jusqu'à ce que les tâtonnements soient menés à bon terme.
« Accepter pareille idée, disait le vieil homme, ferait des Puissances supérieures des ogres plutôt que des Etres pleins d' amour.
Les autres hommes-médecine et moi-même avons été et sommes encore aujourd'hui conduits par Wakan Tanka et les Auxiliaires jusqu'aux plantes qui nous sont nécessaires pour effectuer les guérisons. De même qu'Ils participent à toutes les méthodes de guérison, Ils participent au choix des plantes. Ce que je prends dans mon sac-médecine ou cueille dans les champs et les forêts n`est pas choisi au hasard. J 'utilise de nombreux remèdes, pourtant je n'ai jamais donné à quelqu'un un remède qui l'ait rendu plus malade, ou qui ait même cause un effet secondaire. Il n'y a que les remèdes des médecins blancs qui provoquent cela. Ils nous prescrivent des traitements comme si la même substance allait produire le même effet sur tout le monde. C'est seulement quand l'état de la personne empire qu'ils cherchent un autre comprimé ou une autre méthode. Souvent, ils mélangent dans le traitement différents comprimés et médicaments, et il leur est impossible de savoir ce qui va se passer. Eh bien, malgré tout ce qu'on a pu prétendre, cela ne nous arrive jamais. Quelquefois, dans le passé, des gens sont morts peu après que nous leur eûmes administré des remèdes de notre médecine, mais qui peut affirmer que, déjà proches de la mort, ils sont morts à cause de ce remede ? Nous sommes une petite tribu, pourtant nous avons de grands cimetières, ici
dans les réserves de Pine Ridge et de Rosebud, et la majorité des gens qui y sont enterrés sortaient des hôpitaux de la Santé publique, et non de chez des saints hommes ou des hommes- médecine comme moi-même. Evidemment, la plupart des gens de notre peuple ont été dissuadés depuis longtemps de venir nous voir pour se faire soigner. Un jour, cependant, tout le monde comprendra que la meilleure fonne de traitement pour tous est d' associer le centre [l'essence] de tout ce que nous fai- sons à ce que pratiquent les médecins blancs. Alors les soins seront vraiment excellents 32 . - Connaissant l'attitude générale du corps médical, je me demande si cela peut réellement arriver ››, commentai-je. Fools Crow se leva et marcha de long cn large tout en répon- dant ; je sentais qu`il voulait quefécoute attentivement ce qu'il allait dire : << Les Blancs parlent des costumes étranges que portaient nos hommes-médecine, et des choses étranges qu'ils faisaient en bondissant et en poussant des grognements comme des ani- maux. Ceux qui trouvent ces actes primitifs n'ont pas compris comment ces costumes et ces actes aidaient le patient à amé- liorer sa manière de vivre et son attitude face à la vie. Il répon- dait positivement à ce qui était fait. - Vous faites allusion à la psychologie qu'implique le trai- tement thérapeutique ? - Ho, répondit Fools Crow, je connais ce grand mot, “psy- chologie', mais il est difficile à prononcer pour moi et nous n`avons pas de terme pour le traduire en lakota. ››
13 UN BON COUP DE MAIN
Des concepts apparemment naïfs - ce qu'on appelle des pen- sées primitives, une compréhension d'enfant peut-être - sont souvent capables de révéler des choses que l'esprit scientifique et éclairé verra rarement. Par exemple, alors que les Indiens d'Amérique ont énergi- quement et invariablement démenti que le plus haut dieu des Indiens fût le soleil, les observateurs non indiens ont souvent prétendu que les Indiens étaient des adorateurs du soleil 33. Fools Crow admettait volontiers que les Indiens reconnaissaient les vertus bénéfiques et puissantes du soleil, qui était pour eux une Personne. Ils le révéraient donc comme un être saint. « La vie peut-elle exister et continuer sans lui ? ›› se demandaient les Sioux en subissant les rigueurs des hivers du Middle West. Mais ils avaient une autre raison, et peut-être encore plus importante, de révérer le soleil : leur conception de Wakan Tanka. En par- courant le monde pour veiller sur sa magnifique création, Il demeurait souvent un certain temps dans le soleil, lui insufflanl la chaleur de son être. Ainsi, la chaleur que nous sentons ici sur Terre est en réalité la chaleur de Wakan Tanka. Plus la joumée est chaude, plus les Indiens ont conscience de Lui et de sa proxi- mité.
Il serait bon de comparer cette conscience avec les vérités scientifiques sous l'angle de ce qu'elle apporte à ceux qui souf- frent, et de décider ensuite laquelle de ces deux conceptions contribue le plus au bonheur de l'humanité. Quand des gens sont malades ou souffrent, laquelle des deux leur donnera de la force et de l'espoir, et leur apportera le plus de joie ? Savoir que Dieu a rendu possible pour les hommes de sentir sa proximité était une notion essentielle au bien-être des Indiens et, pour cette raison entre autres, la majorité de leurs rites avaient lieu au milieu de l`été. J 'ai fréquenté des hommes-médecine pueblos, apaches, che- rokees, et je sais qu`après avoir fumigé leurs objets rituels avec de la fumée, ils les chauffent soit au soleil soit au-dessus d'un feu avant de s'en servir dans les cérémonies. C'est une pratique courante chez tous les peuples indiens. Les personnes qui connaissent les autels des Indiens pueblos savent qu'ils portent des symboles peints ou sculptés représentant la présence des Puissances supérieures pour « surveiller et aider ›> le déroule- ment du rite dans la Kiva. Cette reconnaissance de la présence sumaturelle accroit la conscience qu'ont les membres du clan d'être attentivement guidés et donc assurés d'un heureux résul- tat. Ce qu'ils font, ils ne le font pas seuls, ni même loin de Dieu. Fools Crow se plaçait dans la même perspective et on lui avait aussi enseigné que les Puissances supérieures avaient béni le monde d`une manière spéciale à travers le feu. << Depuis le commencement des temps, disait-il, notre peuple sait que les feux que nous faisons sont un petit morceau de Soleil et font descendre ainsi la chaleur de la présence de Wakan Tanka jusqu'à la surface de la Terre. Les volcans nous rappellent cette vérité et combien le feu est puissant. Le feu est caché en toute chose, parce que toute chose peut brûler. Là où est le feu, est Wakan Tanka - c'est pourquoi le feu fait partie de tous nos rites el quand sa fumée s'élève nous mettons en elle - comme une lettre dans une enveloppe - nos prières d°action de grâces qu`elle emportera à Wakan Tanka et à ses Auxiliaires. - Croyez-vous vraiment que les volcans ont été mis sur Terre pour nous rappeler le pouvoir du feu ?
- Si nous le croyons, ils le sont. Cela a-t-il de l'importance qu'un scientifique le croie ou non ? Les gens répondent à ce qu' ils croient et vivent en conséquence. Les croyances font pour nous ce qui a besoin d'être fait dans notre relation avec Wakan Tanka. Que fait pour lui la croyance du scientifique en ce qui concerne Wakan Tanka ? - Si la présence de Wakan Tanka est dans le feu, pourquoi avez-vous besoin de faire monter des prières vers Lui ? demam- dai-je. - Je suis assis ici, répondit Fools Crow. Je suis présent. Mais mon corps aussi dégage de la chaleur et, si je m'approche de vous, vous sentirez cette chaleur. Ce que vous sentez, c'est moi. et c'est une partie de ma présence. C'est pareil avec Wakan Tanka. De son corps, comme du nôtre, émane une cha- leur, mais c'est une sorte de chaleur bien plus grande. Elle recèle une puissance énorme. Le soleil et le feu sont des moyens de nous la faire sentir et d'y puiser de la force et de l'espoir sans être brûlés. C'est comme ce buisson ardent que Moïse vit dans le désert. ›› Son aptitude à saisir les récits de la Bible que lui avaient appris les prêtres et à les appliquer à sa propre compréhension des choses spirituelles me fit sourire intérieurement et hocher plusieurs fois la tête en signe d'assentiment avant de continuer : « Alors, Wakan Tanka se fait connaître de deux manières : à travers sa présence réelle et à travers l'expérience de sa pré- sence - Oui. Mais Il n'est jamais présent réellement dans le sens où toute sa personne serait venue auprès de nous. C'est juste un pouvoir qu'Il envoie pour nous montrer qu'll est avec nous. - Est-ce par le Soleil et par le feu que la chaleur de sa Personne vient le plus pres possible de nous ? - Non. Dans le cristal, elle vient directement à nous et nous touche. Les cristaux sont des pierres très spéciales. Ils ont reçu un pouvoir inhabituel. Leur clarté [translucidité] permet à Wakan Tanka et à ses Auxiliaires de nous envoyer à travers lui des messages. Ils sont comme les fils qui transportent l'électré- cité et les conversations téléphoniques. - Pourquoi pensez-vous que Wakan Tanka a besoin d'un cristal ? Vous m`avez dit qu'il vous parle quelquefois directe- ment ›› Fools Crow répondit sans la moindre hésitation : « Il n'a pas besoin des cristaux, nous en avons besoin. Les instruments qu'll nous donne contribuent à nous immerger plus profondément dans la communion avec Lui. Les cristaux nous sont donnés pour notre bien, pas pour le sien. C`est nous qui avons besoin du temps et des instruments nécessaires pour concentrer notre esprit, notre cœur et notre corps quand nous communions avec Wakan Tanka et les Auxiliaires. - J 'ai remarqué que vous chauffez toujours votre cristal au soleil, ou au-dessus d' un feu ou d`une bougie, avant de vous en servir. - C`est pour capter la chaleur de Wakan Tanka et des Auxiliaires et les amener plus près que ne le peut même le feu. Le cristal peut Les amener tout droit à la personne qui a besoin d'être éclairée ou guérie sur le plan physique ou spirituel. Vous avez vu que j'utilise le cristal pour regarder à l'intérieur d'une personne afin de trouver les causes de sa maladie et de réfléchir cn elle le pouvoir de guérison. Quand je le fais, je place aussi le cristal juste sur la peau de la personne. Elle reçoit ainsi de la force, de l'encouragement et de l'espoir. ›› J 'avais vraiment été privilégié de pouvoir observer Fools Crow quand il employait son cristal pour être éclairé ou bien pour accomplir une guérison physique ou spirituelle. Pour être éclairé, il le pressait contre le front du patient, ou contre le sien s' il demandait une aide personnelle. L' information reçue, expli- quait-il, passait à travers le cristal et pénétrait dans son esprit. Pour une guérison physique, il tenait obliquement le cristal chauffé, entre les doigts et les pouces de ses deux mains, tout cn le remuant doucement au-dessus du corps du patient pour réfléchir en lui la lumière du soleil. Puis il pressait légèrement lc cristal contre le torse du patient à différents endroits, en le mmponnant doucement - devant, derrière et sur les côtés. Pendant qu'il le faisait, Fools Crow chantait toujours son chant de la pierre et, de temps à autre, il levait les yeux au ciel vers
la demeure des Puissances supérieures. D'habitude, le patient poussait un cri de douleur quand Fools Crow touchait un point sensible. Parfois, en atteignant une certaine zone, le cristal émet- tait une douce lueur dont la couleur variait suivant le problème. Si aucun de ces deux signes ne se produisait, Fools Crow inter- rompait de temps à autre son tamponnement et se penchait pour regarder à travers le cristal dans le corps du patient. Tous ces gestes faisaient partie de la recherche de la maladie et de sa cause. Tôt au tard, Fools Crow les découvrait. Alors il se recou- vrait les yeux avec le bandeau noir pour apprendre comment les traiter. Fools Crow n'employait qu'un seul cristal, et encore avec modération. Il s'agissait d'un cristal de roche ordinaire, de taille moyenne, sans beauté particulière. Il n'utilisait pas de pierres colorées comme le font de nombreux adeptes du Nouvel Age. Un jour, un de mes amis lui apporta un assortiment éblouissant de cristaux colorés dans un magnifique coffret de bois. Fools Crow les regarda en écarquillant les yeux comme s'il n'ar- rivait pas à comprendre pourquoi quelqu'un se donnerait la peine de réunir une telle collection. Mon ami fut constemé et trouva peu après un acheteur pour les pierres. Je demandai à Fools Crow d'où lui venait son cristal ; il me répondit que Stirrup le lui avait donné et lui avait enseigné com- ment s'en servir. « Stirrup vous faisait-il rester quand il soignait des patients ? - Très souvent. Cela faisait partie de ma formation. Au début, j`ai passé une semaine entière avec lui, et après il m'a demandé de venir observer les traitements quand il soignait. - Stirrup était-il un saint homme ou un homme-médecine ? - C'était un saint homme, et le meilleur des maîtres. Il aimait tout le monde, comme je le fais moi aussi, et ses élèves et ses patients y étaient toujours sensibles. - Stirrup avait-il d'autres élèves que vous ? - Il en eut avant et après moi. - Stirrup était-il aussi un guerrier? - Certaines fois, il fut obligé de se tenir aux côtés des nôtres, tout comme le fut Black Elk. Excepté àla bataille contre Custer,
nous étions généralement inférieurs en nombre et tous les hommes devaient combattre. Mais Stirrup m'avoua qu'il n'ai- mait pas se battre parce que ce n'était qu'une réponse tempo- raire à tout problème et que cela rendait ensuite une paix réelle encore plus difficile à obtenir. Je revins sur le sujet du Soleil, du feu, des cristaux et deman- dai à Fools Crow ce que les trois ensembles signifiaient pour lui. Il lui fallut y réfléchir un petit moment et il se lança avec Dallas dans une de ces longues conversations en lakota si frus- trantes pour moi parce que je n'en saisissaís pas grand-chose. De temps à autre durant la discussion, Dallas se tournait vers moi avec un sourire joyeux pour me résumer ce que disait Fools Crow. Puis il me demandait ce que j'en pensais. Il transmettait mes paroles à Fools Crow et leur conversation continuait. Dans le cas présent, Dallas la condensa finalement en une réponse qui ressemblait à ces idéogrammes chinois dont un seul peut exprimer une foule de choses. << La proximité, déclara Dallas, il dit la proximité. - C'est tout ce que vous avez à me dire au bout de vingt minutes de conversation ! ›› m'exclamai-je. Dallas était content de lui et eut un large sourire. Il était tou- jours ravi quand il pouvait résumer les choses avec une telle concision. << OK, reprit-il, Fools Crow dit que le Soleil, le feu et les cris- taux sont une manière pour Wakan Tanka de se rapprocher de plus en plus de nous, et même de nous toucher. Nous pouvons ainsi ressentir merveilleusement sa présence, et cela nous donne un bon coup de main. - Fools Crow a dit un bon coup de main ? - C'est mon expression, répondit Dallas avec un petit mou- vement de tête triomphal. Je pense qu'elle dit bien ce que ça veut dire. ›› Je m`étais mis à apprécier Dallas de plus en plus et je l'ai- mais beaucoup. C'etait une personnalité magnifique et un ami exceptionnel. Je le laissai s'exprimer comme bon lui semblait. En me rappelant ce moment, j`ai choisi son expression comme titre de ce chapitre.
Fools Crow se sentit en dehors de la conversation et leva la main pour nous interrompre. « Dites aux gens, dans votre livre, de se souvenir que Wakan Tanka est tout proche et d'y réfléchir. S'ils vivent dans cette sagesse, elle leur donnera une force et un espoir infi- nis. ››
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| | | raphaël
Messages : 1563 Date d'inscription : 03/04/2008
| Sujet: Re: Sagesse et Pouvoir Ven 1 Nov - 16:53 | |
| NOTES DE LECTURE DE SAGESSE ET POUVOIR
l. Lors d'un symposium au Canada en 1977, Allan Wolf Leg, un Blackfoot catholique, déclara : « L'héritage, les philosophies, le message qui vinrent de Dieu aux Indiens à travers la Nature ont la même signification que Jésus-Christ pour les chrétiens. Dieu est venu à travers Jésus-Christ et ses disciples pour les gens tout comme Il est venu à travers ses agents dans la Nature pour les Indiens. On appelle cela paganisme [. . . ]. Pourtant, il n'y a aucune différence. C'est le même Dieu. >› Native Religious Traditions, Symposium of Elders and Scholars, Edmonton, Alberta, 1977.
2. Par comparaison, le peuple des Cahuillas en Califomie croit que les per- sonnes-médecine, quand elles entrent en possession de leur pouvoir, doi- vent se défaire d'elle-mêmes, « comme si elles enlevaient de vieux vête- ments, comme on pèle une orange ››. Elles doivent cesser de regarder en arrière, aller de l'avant et être fortes, << car le courant de vie devient parfois violent ››. Modesto and Mount, 1980, p. 40.
3. Voir aussi L'Homme-médecine des Sioux, pp. 83-84. Ce concept d'un Dieu trinitaire est plus courant parmi les Indiens qu'on ne le pense généra- lement. Un soir, j`étais avec un chef de clan zuñi, et nous avons discuté de leurs différentes divinités. Il m'en dessina une représentation et expliqua que le personnage le plus grand était semblable au Père dans la théologie chrétienne, le plus petit attaché au plus grand était semblable au Fils et les quatre grands bâtons attachés au plus grand étaient comme le Saint-Esprit. Il dit ensuite que le dieu de la Guerre n'aide pas seulement les Zuñis contre des ennemis humains, mais aussi contre toutes les formes du mal, ce qui inclut le doute, l'égo'i'sme et tout ce qui s'immisce pour nuire aux cérémo- nies qu'ils accomplissent. Comme la majorité des Zuñis, ce chef de clan était membre de l'Eglise catholique, qui, pourrait-on dire, était à la source de ses conceptions, mais ceci n`explique pas pourquoi la forme du dieu de la Guerre, qui est antérieure à l'intrusion des Blancs, est toujours restée iden- tique : un grand personnage auquel sont attachés le personnage plus petit et les quatre bâtons.
4. Dans L'Homme-médecine des Sioux (p. 76), il cite les noms des chefs cérémoniels et des saints hommes remarquables parmi les Sioux de l`Ouest.
5. A la différence de la plupart des autres hommes-médecine et saints hommes lakotas, Fools Crow ne pensait pas que Wakan Tanka et Tunkashila étaient un seul et même Etre. Ils étaient Un en esprit, mais des Personnes individuelles. Wakan Tanka était pour lui semblable au Père dans la Bible et Tunkashila semblable au Fils, J ésus~Christ. « Pourquoi aurions-nous deux noms pour la même personne, et pourquoi les récits de notre commence- ment parlent-ils d'une personne nommée Tunkashila venant dans notre pays jadis et allant parmi nous 7 Nul n'a jamais dit que cette personne était Wakan Tanka. C`est pourquoi, quandje prie avec ma Pipe,je la dirige d'abord vers Wakan Tanka, puis vers Tunkashila, puis vers les quatre Directions et filiale- ment vers Grand-Mere Terre. ››
6. Sur les maladies de Fools Crow, voir L'Homme-médecine dex Sioux
7. J 'aborde encore le sujet de la longévité au chapitre 4 : « Harmonie ››.
8. Voir R, Katz, Bniling Energy, 1982.
9. L`Homme~médecine des Sioux, p. 288.
I0 . Black Elk, rapporte Joseph E. Brown, affirmait que le Grand Esprit (Wakan Tanka) est en toute chose, les arbres, l'herbe, les rivieres, les mon- lagnes, les quadrupèdes et la gent ailée ; mais, plus important encore, il est au-dessus de ces choses et de ces êtres. (Voir The Sacred Pipe, p. 20, en fran- çais Les Rites secrets des Indiens sioux). Fools Crow n`employait pas le nom de "Grand Espnt " pour Wakan Tanka. Il préférait le « Très Haut et Très Saint ".
11, Rappelons que, pour plus de clarté, j`utilise le terme « patient » dans presque tout ce livre, mais que Fools Crow ne l'employait jamais. Il dési- gnait toujours par leur nom ou en disant la « personne ›› ceux qui faisaient appel à lui. Ils avaient leur identité et il ne voulait pas qu'ils aient l'impres- sion d'être considérés comme de simples numéros ou de toute autre façon impersonnelle.
I2. lci aussi, Black Elk partage le même avis, puisqu`il dit à John Neihardt: « C'est de la compréhension que vient le pouvoir ; et le pouvoir de la céré- monie venait de la compréhension de ce qu`elle signifiait. Car rien ne sau- rait bien vivre si ce n'est en harmonie avec la manière dont vit et se meut le Pouvoir sacré du Monde ››. Black Elk Speaks, J. G. Neihardt, l979, p. 208 (en français Elan Noir parle).
I3. Un seul terme en français : concentration. (N.d.T)
14. Pour illustrer combien cette perspective des indiens d`Amérique a été constante et universelle, signalons que les Cahuillas du désert de Califomie croyaient que toute sagesse concernant la perte tl' âme ou Fendommagement d`âme était un don de Dieu. C`était lui qui disait aux personnes-médecine que faire. C'était différent pour chaque patient. ll n'existait pas de routine fixe. Parfois des plantes médicinales étaient utilisées, parfois la succion, par» fois le massage. Dieu leur indiquait où souffler la fumée, où effleurer avec les plumes d'aigle. C`était toujours Dieu qui révélait la méthode particulière de procéder aux soins à travers la personnc«médecine. Modesto and Mount, 1980, p. 49.
I5. L. Eiseley, The Invisible Pyramid, p. 125.
I6. D'un point de vue chrétien, ce qu`affirme Fools Crow sur la vision des choses à travers le regard de Dieu n'a rien de bizarre. Paul écrivait aux Ephé- siens : << Mais Dieu, qui est riche en miséricorde, à cause du grand amour dont il nous a aimés, alors que nous étions morts par suite de nos fautes, nous a fait revivre avec le Christ (c`est par la grâce que vous avez été sau- vés), avec lui Il nous a ressuscités et fait asseoir aux cieux, dans le Christ Jésus. ll a voulu par là démontrer dans les siècles à venir Yextraordinaire richesse de sa grace, par sa bonté pour nous dans le Christ Jésus. ›› Ephé- siens, 2, 4-7.
I7. Tous les rites des Indiens pueblos sont accomplis pour le bien du monde entier, et non pas seulement pour le bien des Pueblos.
18. Dans L`Homme-médecine des Sioux (p. 272), Fools Crow exprime son point de vue sur la fin du monde qui, selon une révélation divine, sentit proche. Néanmoins, il croyait aussi que cette fin cataclysmique pouvait être retardée par un changement mondial dans le comportement et dans la foi, ainsi que par unjuste règlement de la revendication des Sioux envers le gou- vemement des Etats›Unis coricemant les Black Hills.
l9. L'environnement fait aujourd'hui la une de la presse, mais pour une lec- ture approfondie, je conseille ces classiques : Barry Commoner, Makina; Peace With the Planet ; Rachel Carson, Silent Spring ; John Grihhin_ Hothouse Earth ; Jonathan Schell, The Fate of the Earth.
20. R. Carson, l962, p. 266.
2I Voir L'Homme~médecine des Sioux, p. 78.
22. J. E. Brown fait remarquer que Black Elk associait Wakan Tanka à la Iumière, avec un L majuscule. Voir J. E. Brown, 1953, p. 42 et L'Homme médecine des Sioux, p. 74.
23. Black Elk, tout en parlant des six Puissances du monde - les quatre Directions, plus le Ciel et la Terre - parle aussi de Grand-Mère Terre comme si elle devait être comptée comme une septième Puissance, ce qui me semble très pertinent. Voir J. G. Neihardt, 1979, pp. 28, 166 et J. E. Brown, 1953, p. 32.
24. Voir dans Black Elk Speaks (en français Élan Noir parle) les expériences similaires de voyage en esprit et d'evanouissement vécues par Black Elk, pp. 24O-24l.
25. En parlant de ses rêves, la femme-médecine Ruby Modeste, une Cahuilla du désert de Californie, relate que l›ãme sort du corps pendant le rêve. A Foccasion de l'un de ces rêves, elle resta dans une « sorte de coma, endor- mie pendant sept jours ››. Les membres de sa famille eurent très peur pour elle et ne purent la ramener qu'avec difficulté. Ils lui firent ensuite promettre de ne plus recommencer tant qu'elle ne saurait pas revenir seule, ce qui consistait à s`at`firmer a l`avance qu`elle allait revenir. Voir Modesto and Mount, 1980, p. 26.
26. Voir L`Homme-médecine des Sioux, p. 142.
27. L'American Indian Movement (Mouvement des Indiens d'Amerique), fondé en 1968 par trois Indiens chippewas (Dennis Bank, Clyde Bellecourt et George Mitchell), a regroupé différentes organisations indiennes dont Faction était faible, pour lutter contre l'injustice raciale envers les Indiens, defendre leurs droits, améliorer leurs conditions économiques et culturelles. Voir Elise Marienstras, La Résistance indienne aux Etats-Unis (XVIe- XXe siècle), pp. 160-169, Editions Gallimard/Julliard, collection de poche << Archives ›>, l980. (N.d.TÎ)
28. La faculté qu`ont les personnes-médecine de se transformer en oiseau ou en d`autres animaux et de voyager ainsi est fréquemment attestée dans la littérature de nombreuses tribus.
29. Voir I'Homme-médecine des Sioux, pp. 72-75,
30. Cette conception de la vie apres la mort est exposée en détail dans I'Homme-medecine des Sioux. p. 6
3l. Par comparaison, dans les rites traditionnels de guérison des Apaches, les efforts de guérison spirituelle s`intensifient quand le patient est en phase terminale. Ce fait pourrait nous laisser perplexes, mais il faut se rappeler que le rite de guérison, comme l`a dit Fools Crow, est accompli essentielle- ment pour le bien de la communauté. Chez les Apaches, l`attention passe du malade àla famille et aux amis affligés, qui auront besoin de plus de force et de réconfort après le décès de leur parent et ami. Les Apaches commen- ccnt par s'imposer mutuellement les mai ns et par prier les uns pour les autres, afin que les bénédictions se répandent. Tant que le patient demeure conscient. il les voit agir ainsi et s`éteint avec ce dernier souvenir, C'est une chose bonne et sage. et qui nous ferait du bien, à nous du monde extérieur, si nous I`imitons.
32 . Remarquons que ces demières années, ce que Fools Crow recommande a commencé. Certains hôpitaux (trop peu, cependant) demandent à des per- sonnes-médecine de participer aux soins des patients indiens. Fools Crow conseillerait à chaque hôpital d'étendre l'emploi de personnes-médecineÿa tous les patients. Quand on examine les principes fondamentaux de ses trai- tements thérapeutiques, la suggestion n`est pas aussi naïve qu`on pourrait le supposer... ni d'un commerce aussi lucratif. Mais elle est assurement salutaire pour l'« humanité ›› des êtres humains.
33. Voir L'Homme-médecine des Sioux, p. 167.
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